Dietrich Bonhoeffer, l’une des grandes figures contemporaine du protestantisme, se retrouve sur les écrans. Le long métrage qui lui est consacré raconte « une » histoire de ce pasteur luthérien, théologien et figure de la résistance au nazisme.

Alors que le monde est au bord de l’anéantissement, le pasteur Dietrich Bonhoeffer est plongé au cœur d’un complot visant à éliminer Hitler. Peut-il assassiner un homme pour espérer en sauver des millions ? Sa vie et sa foi sont en jeu.

Une réflexion sur la tension entre foi, éthique et action politique

Comment ne pas évoquer, dans ma chronique ciné de Regards protestants, un film qui explore la vie de Dietrich Bonhoeffer ? Un scénario qui interroge la complexité morale des choix de ce fameux théologien et résistant allemand durant la Seconde Guerre mondiale face à la montée du nazisme. Bien réalisé et interprété, le film offre aux spectateurs de réfléchir à la tension entre foi, éthique et action politique, comme le laisse entendre le sous-titre (martyr, pasteur, résistant). On pourra néanmoins regretter qu’il accentue davantage son rôle politique que sa profondeur théologique, tout en prenant certaines libertés avec la réalité historique. Un constat qui n’a pas manqué de déclencher de nombreuses polémiques aux USA où politique et religion sont tellement mêlés. En Europe aussi, certaines voix, comme Frédéric Rognon dans Réforme la semaine passée, ont analysé et réagi. « Le film tente de faire de Bonhoeffer un héros courageux et monolithique […] Il avait une personnalité complexe, faite à la fois de lucidité et de doute » souligne ainsi l’auteur de « Dietrich Bonhoeffer, un modèle de foi incarnée ». Il est important justement de préciser que cet article émane d’un vrai spécialiste de Bonhoeffer et qu’il fait donc sens dans son analyse historique.

Le biopic, un récit entre fiction et imagination

Mais, je l’avoue, je ne suis absolument pas un expert de la vie de Bonhoeffer, comme d’ailleurs l’immense majorité des spectateurs qui viendront en salles le voir. Et, comme pour quasiment tous les biopics, l’histoire racontée passe naturellement par la fiction, l’imagination, et suscite des réactions. Personnellement encore, j’aime m’abandonner aux choix artistiques et d’écriture des scénaristes et réalisateurs, dans cette conscience que le récit n’est pas une description historique mais bien un film, un regard porté sur (que j’apprécie ou que je n’apprécie pas, bien évidemment).

Ne pourrait-on pas d’ailleurs dire la même chose des différents récits d’évangile nous racontant quelques années de ce Jésus ? Des regards différents marqués par des styles littéraires, des convictions et des ambitions diverses, qui disent des choses différentes (et même parfois contradictoires). Je ne suis ni un adepte (c’est le moins que l’on puisse dire !) de Trump, des courants politico-religieux américain hyper conservateurs qui tournent autour, ou même des studios de productions religieux comme celui qui a produit aux Etats-Unis L’Espion de Dieu, mais je ne veux pas tomber dans la facilité de lancer des pierres juste à cause de ce que l’on peut lire ou entendre. D’ailleurs, après avoir vu le film, mes convictions me portant à lutter, résister (à la mesure de mes faibles moyens) contre tous les discours de haine, de discrimination… n’ont été que fortifié. Je n’ai ainsi jamais trouvé que le film faisait l’apologie du « nationalisme chrétien » mais, à l’inverse, serait plutôt une possible mise en garde contre.

Alors donc, de mon point de vue, ce récit aura le mérite de donner à fixer notre regard sur une histoire qui fait sens et interpelle. Qui offre la possibilité de réfléchir sur les dilemmes intérieurs liés à la résistance, sur la frontière entre la loyauté à ses convictions et la possible nécessité de prendre des mesures radicales face au mal. On peut imaginer que c’est là que se situe notamment la raison du choix de la Fédération protestante de France, ou du réseau de radio Phare FM, d’être partenaires de sa sortie.

L’Espion de Dieu réalisé par Todd Komarnicki (2h13)

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