L’écrivain Michel Embareck est un véritable amoureux du rock. Journaliste notamment pour Best, Rolling Stone et Libération dans les années 70-80, il surfe sur le sujet et sur ses icones avec dextérité et, ce que j’appellerai, une certaine grâce. Grâce brute et parfois décapante, qui lui confère un charme particulier qui fleure bon finalement avec les ambiances embrumées de ses récits.
Si cette amitié entre Bob Dylan et Johnny Cash est avérée, le terme roman a tout son sens ici. Car, en dehors de quelques déclarations, images d’archives, et une session de titres enregistrée par les deux artistes, la longue correspondance entre Bob Dylan et Johnny Cash que nous révèle Michel Embareck est fictive. Mais celle-ci semble tellement réelle que l’on y adhère sans peine avec joie et, presque, voyeurisme revendiqué. L’auteur part du principe que, en citant en préambule Victor Boudreaux : “Quand la véritable histoire tient en une poignée de lignes, ne reste qu’à en inventer le roman”. Et sur cette base, il nous entraîne dans une fabuleuse aventure rock’n rollesque dans l’espace et le temps. Car il y a ces fameuses lettres mais il y a bien plus encore…
Ici, de 1963 à 2016 – année du prix Nobel de littérature attribué à Dylan – et pas forcément de façon linéaire, les faits réels alimentent la fiction. On croise ainsi des grands noms de l’histoire américaine et de la musique… Martin Luther King, Popcorn Sutter, prince des trafiquants d’alcool clandestin, un Richard Nixon fêlé, un Elvis pas à son meilleur, Joan Baez, les Beatles, Kris Kristofferson, June Carter et régulièrement Alice Cooper qui incarne une certaine voix de la sagesse. Et tout ça entre New York, Nashville, Saïgon et Paris… Une histoire sans cesse donc rythmée des réflexions du Midnight Rambler et de sa propre histoire, cet animateur radio vétéran des grandes heures du rock, « le Rôdeur de minuit », une sorte de double imaginaire de l’auteur, qui ici se trouvait en 1965 à Newport lorsque Dylan fit scandale chez les folkeux en « branchant » sa guitare, et en janvier 1968 à la prison de Folsom lors du mythique concert de Cash.
Et ce n’est pas fini, car derrière ces échanges de lettres et ces chapitres romanesques, savoureux et parfois très drôles, se profilent de vraies réflexions profondes sur la vie, ou plus encore… le sens de la vie et, bien sûr inévitablement, de la mort ! C’est le temps qui passe, ce sont les choses qui comptent véritablement, il y a des histoires d’amour, des occasions manquées et il y a Dieu… car il faut l’avouer, tant chez Cash que chez Dylan, et quelques soient leurs itinéraires tortueux et parfois bien sombres, se dégagent constamment des flashs de lumière qui sont marqués par la foi.