S’il compte parmi les auteurs que nous aimons, c’est parce que Jean-Christian Petitfils a l’art de présenter les travaux en cours sous la forme de synthèses lumineuses, intelligentes, écrites avec du swing dirait-on si nous parlions de musique. Evidemment, avec son « Henri IV » (Perrin, 844 p. 29€) le bonhomme court le risque de nous froisser. Car enfin, s’il renvoie les Ligueurs et les Guise dans leurs 22- comme on parle dans le jeu à XV- les protestants sous sa plume ont souvent l’air d’être taciturnes, rigoristes, intégristes même. On comprend le stratagème dialectique de l’auteur : écartant les extrémistes des deux bords, il se perce un boulevard au milieu duquel avance Henri, monarque de l’équilibre. On peut le déplorer, bien qu’à la semblance de notre regretté Bernard Cottret nous ne manquions jamais l’occasion de rappeler que les disciples de Calvin n’étaient pas toujours des rigolos. Mais alors, direz-vous, pourquoi recommander cet ouvrage ? Eh bien parce qu’il est quand même passionnant, bien écrit, parce que les discussions historiographiques y tiennent toujours une bonne place, en un mot que l’on aimait jadis employer, quand les Jukebox étaient à la mode, parce qu’il est super bath’.
Hervé Drévillon, bien entendu, nous conduit sur d’autres chemins. Dans le cadre de la gigantesque « Histoire de France » dirigée par Joël Cornette et qu’édite en poche la collection Folio, deux nouveaux volumes paraissent: « La république imaginée » (rédigée par Vincent Duclert) et donc « Les rois absolus », que présente Hervé Drévillon (768 p. 12,30 €). Là encore, il s’agit de protestantisme. « La passivité de certaines communautés huguenotes, analyse Hervé Drévillon, procédait d’un calcul politique qui les avait amenées à considérer que la perte de certains privilèges et garanties valait mieux qu’un embrasement général, comparable aux huit guerres de Religion du XVIème siècle. » On ne saurait cependant limiter notre regard à la question protestante. La période étudiée court de 1629 à 1715. On ne peut que louer l’intelligence du choix chronologique– en 1629, le Parlement de Paris lance une vaste réforme de l’Etat – et la pertinence de la présentation puisque, dans cette ouvrage comme dans tous ceux de la collection, se trouvent des chapitres intitulés « L’atelier de l’historien », qui rendent compte de l’avancée des recherches dans un domaine particulier. L’un d’eux relate les mille et une façons d’étudier Louis XIV, et, parmi les scientifiques ayant réhabilité ce monarque, évoque François Bluche, historien et protestant. Eh oui… On peut être cévenol d’origine vosgienne et trouver du talent à celui qui raya d’un trait de plume l’Edit que nous savons !
Encourager le débat
Nous achèverons cette chronique par un double portrait qui s’annonce comme une des grandes réussites de cette fin d’année : « Robespierre et Danton, le choc de la Révolution » (Passés/ composés 479 p. 25 €). Loris Chavanette en est l’auteur. Mais quel beau livre il a conçu. Ce n’est pas le grand vent de l’épopée qui nous saisit, le lyrisme qui nous guide, mais le souffle régulier d’une machine, ronflement formidable en vérité, qui permet au lecteur, installé dans une cabine synoptique, d’admirer le tableau général d’une époque et la destinée de jeunes gens que tout pouvait unir et qui devinrent des ennemis. « Dans l’étroit défilé de la Révolution Française, écrit Chavanette, il n’y avait pas de place pour deux soldats de la liberté. C’étaient Danton et Robespierre. Il y en avait un de trop. » Rêvons qu’un jour prochain, l’ami Loris, analyste subtil des enjeux révolutionnaires, se penche sur notre merveilleux Rabaut Saint Etienne.
Que les novices ne s’offusquent pas. Les protestants ne sont pas là pour juger le temps passé, mais pour en discuter, pour proposer des discussions qu’ils nomment des disputes, encourager le débat. Rien ne leur est étranger comme l’exclusivité, la possessivité, l’uniformité. Mais cela n’interdit pas les sentiments. Minoritaires, ils aiment, en aparté, les soirs d’hiver ou de colloque, en souriant murmurer: « Rabaut Saint-Etienne, il est à nous… » Allons, lisez l’Histoire, et vive la République !