Cette histoire maintes fois racontée nous est présentée ici sous l’angle différent d’une femme terriblement moderne et incarnée avec force et vérité par la magnifique Rooney Mara.

Marie Madeleine est un puissant portrait imaginé de l’une des figures spirituelles les plus énigmatiques et sans doute incomprises de l’histoire. Le biopic biblique raconte le cheminement de Marie, une jeune femme à la recherche d’une nouvelle façon de vivre. Contrainte par les hiérarchies et les inégalités de genre de l’époque, Marie défie sa famille traditionnelle de rejoindre un nouveau mouvement dirigé par le charismatique Jésus de Nazareth (Joaquin Phoenix). Elle trouve rapidement sa place à côté de lui et de ses disciples, au cœur d’un voyage qui les mènera à Jérusalem.

Avec Marie Madeleine, le réalisateur australien Garth Davis, après son film Lion, nous rappelle combien le texte biblique, et l’Évangile en particulier, s’offre à nous dans la liberté. Que celui qui a des oreilles entende… et comprenne… et raconte à sa façon, dans sa manière d’imaginer le récit conté en y mettant les images, en comblant les vides… comme le faisaient tous ceux qui écoutaient les paraboles de Jésus. C’est cet aspect qui ressort sans doute en premier lieu car, il faut le dire, c’est avant tout une extrapolation réussie du récit biblique qui nous est proposée. Alors bien sûr, tout cela est inspiré de divers moments particuliers des évangiles canoniques ou apocryphes que l’on perçoit mais sans se préoccuper de l’exactitude des détails, de la chronologie ou autre historicité mais en imaginant et en construisant ainsi une belle histoire, beaucoup plus proche du film d’auteur que du péplum et résonnant avec une vraie contemporanéité et sans tomber non plus dans la facilité des sous-entendus dont on a pu avoir l’habitude autour de Marie Madeleine.

Le producteur Iain Canning explique ainsi les choses : « Nous avons senti que la perspective féminine de la vie et de la mort de Jésus était une nouvelle façon d’aborder les choses et qu’elle éclairerait aussi les problèmes contemporains. »Et la productrice Liz Watts ajoute : « L’Histoire peut être interprétée et c’est une histoire que nous racontons, mais nous voulons qu’elle soit très respectueuse de la foi des gens. »

On peut ressortir un certain nombre de pistes intéressantes dans ce récit ainsi proposé :

  • Il y a cette compréhension diverse qui existe au sein même des disciples concernant Jésus et de « son projet ». Cela renforce d’ailleurs cette possibilité offerte de réinterprétation des textes cinématographiquement. Si plusieurs s’attendent à une venue du « Royaume » sur Terre, à du miraculeux, à du sensationnel… parfois, comme ici avec Judas, pour répondre aussi à des besoins intimes et personnels, Marie elle reconnaît que le « Royaume » doit commencer en nous-mêmes. Ce message est tout autant révolutionnaire aujourd’hui qu’à cette époque et mérite d’être rappelé, nous introduisant dans une forme active, impliquante et engageante de la foi. À propos de Judas, joué admirablement par Tahar Rahim, il est d’ailleurs intéressant d’envisager sa personne et son attitude autrement. La complexité de tout individu est telle que, là encore, l’ouverture à une liberté d’interprétation est possible et même utile.
  • Marie Madeleine dépeint aussi une femme qui est déterminée à obéir à son appel à suivre Jésus – quoi que le monde puisse penser et quelques soient les obstacles qui viennent sur le chemin.“Le royaume des cieux est semblable à un grain de moutarde qu’une femme prit et sema dans son champ”. Telle est la première phrase de Marie Madeleine que l’on entend en voix off, alors que, dans une scène marquante qui reviendra plus tard, l’héroïne du film s’enfonce lentement dans les eaux du lac de Tibériade. Le réalisateur a remplacé à dessein par “femme” le terme “homme”, que l’on retrouve dans la plupart des traductions du verset 31, chapitre 13 de l’Évangile de Matthieu.Un film qui revalorise clairement le rôle des femmes en général dans l’essor du christianisme, ce qui peut s’avérer important pour les femmes dans les Églises d’aujourd’hui, les encourageant à se sentir pleinement membres de leurs communautés. C’est donc un sujet intemporel là encore. J’ai personnellement aussi apprécié de voir la manière dont le réalisateur imagine l’implication de Marie au sein du groupe, propulsée par Jésus comme celle qui devient ses mains et sa voix pour propager la Bonne Nouvelle aux autres femmes. Détail on ne peut plus intéressant surtout quand on pense aux freins existants à cette époque dans les « relations sociales » permises entre hommes et femmes.
  • Et puis il y a Jésus… Son portrait dans Marie Madeleine nous met au défi de penser à quel genre de Messie il était vraiment, et quel genre de royaume il est venu apporter. Mais aussi il nous offre une façon de le voir, au sens propre du mot, différemment, loin des clichés habituels. Un Jésus qui peut rire mais qui laisse apparaitre aussi sa douleur, sa fatigue, sa peine, sa colère. En gros… voilà un Jésus qui a du caractère, ce qui manque terriblement trop souvent à sa représentation classique… et ça j’aime !

Avec son esthétique très raffiné, une présence musicale d’une qualité remarquable et son rythme lent Marie Madeleine est un film que l’on peut considérer comme contemplatif mais aussi percutant qui souffle en tout cas un fort vent de liberté qui fait du bien et peut nous bouger sur nos lignes idéologiques sclérosantes.