Le symbole historique urbain en est les barricades, lors des révolutions populaires de 1830, 1848 et de la Commune de Paris en 1871. Sans oublier des épisodes mineurs néanmoins sanglants comme l’émeute parisienne de 1832 immortalisée par le personnage de Gavroche dans « les Misérables » de Victor Hugo.
Cette violence exacerbée – 25 000 morts à Paris en 1871 ! – qui suscita indirectement la naissance de la future MPEF, a pris fin avec la IIIème République qui institua les libertés civiles fondamentales. Reconnu peu à peu dans ses partis et syndicats, le mouvement ouvrier a policé ses méthodes d’action, tout en veillant à sa visibilité publique. Le drapeau rouge, concurremment au drapeau tricolore devenu officiel, des usages comme celui de s’appeler « citoyens » ou « camarades » entre militants, de se saluer le poing levé, les commémorations ont constitué un vaste champ de symboles qui nécessairement a fait écho avec les références chrétiennes très majoritaires alors en France. Ainsi l’adoption du 1er Mai comme journée d’action puis fête des travailleurs renvoyait à un épisode du mouvement ouvrier américain : en mai 1886, une grève à Chicago fut lancée par les Chevaliers du travail. Le 4 mai, une bombe explosa parmi des policiers. On accusa sans preuves les leaders de la grève qui furent pendus. Trois ans après, l’Internationale Ouvrière choisit le 1er Mai pour honorer en Europe les « martyrs de Chicago » ; en 1891, la manifestation dans la petite ville industrielle de Fourmies (Nord) tourna au drame : les soldats ouvrirent le feu tuant 9 manifestants, dont des femmes et des enfants. L’événement connut un grand retentissement et renforça en France l’importance du 1er Mai et de la martyrologie sacrificielle pour l’amélioration du sort du plus grand nombre. Et si le chant l’Internationale* affirme qu’« il n’y a pas de sauveur suprême », elle présente ce mouvement comme un messie collectif qui fera que « le soleil brillera toujours » sur le genre humain.
Après la 1ère Guerre mondiale, le Parti Communiste Français s’imposa durant 80 ans comme un acteur de premier plan dans le mouvement social et politique. Il est remarquable de constater que ce parti se constitua en France comme une Eglise concurrente, avec des rituels inconsciemment décalqués sur l’Eglise catholique : organisation très hiérarchisée et autoritaire avec infaillibilité des chefs, culte stalinien de la personnalité proche de la sanctification, encadrement des masses militantes non par des messes mais par des réunions hebdomadaires des cellules, manifestations de rue avec oriflammes et banderoles aux allures de procession, exaltation des martyrs du Parti tombés dans la Résistance antinazie, universalité – sens premier du mot « catholique » – de l’idéal communiste par l’internationalisme…
La déchristianisation de la société rend aujourd’hui ces symboles moins lisibles, qui, pour antagonistes qu’ils fussent entre « blancs » et « rouges »**, reliaient des hommes et des femmes dans leurs espérances. Relier, ce mot qui a donné celui de « religion ».
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* https://wikirouge.net/L%27Internationale_(chant)
** Le rouge et le blanc ne sont-ils pas les couleurs de Saint-Nazaire? (JL)