En voilà un texte parlant de nos jours, à une époque où bon nombre d’hommes « bien-pensants » et encensés par tous tombent soudain de leur piédestal lorsque sont enfin révélés leurs comportements sexistes et/ou abuseurs !
Dans ce récit à plusieurs voix qu’elle raconte avec un grand talent à partir d’un chapitre apocryphe rattaché au livre de Daniel, l’auteure Jacqueline Kelen décrit les péripéties de la vie d’une exilée juive à Babylone, « figure féminine du juste » (p.128) qui passe de la sérénité et de la paix à l’horreur de l’agression et de la calomnie.
Suzanne, « Fleur » en hébreu, mariée à un notable éminent, reconnu et apprécié de tous, est une belle jeune femme, discrète et secrète, qui tombe dans un traquenard dressé par des anciens, juges respectés de la communauté juive. Si elle ne répond pas favorablement à leurs avances sexuelles, ils feront devant le peuple un faux témoignage en déclarant qu’ils l’ont surprise en délit d’adultère. Et elle se trouvera alors sur le banc des accusés et perdra et son honneur et sa vie.
Jacqueline Kelen décrit bien les sentiments des différents protagonistes de l’histoire, leurs questionnements, leur pusillanimité et leur mutisme face à des accusations qu’ils savent mensongères, l’exacerbation des accusateurs blessés dans leur amour-propre, face à une Suzanne désemparée devant le manque de soutien de la part de ses proches et qui se voit condamnée à la lapidation à l’issue d’un procès expéditif et caricatural. « C’est pourquoi, agressée et calomniée par deux hommes de son peuple, abandonnée par son entourage familial et par la foule lâche et violente, Suzanne ne peut compter que sur Dieu. » (p.121-122) L’intervention divine se manifestera par le truchement de Daniel, qui, animé par l’Esprit Saint, démontera pied à pied l’accusation, et, en retournant la situation, fera des accusateurs des accusés qui devront répondre de leurs actes devant […]