Dans ce livre, il existe un instant de grâce. En saute-ruisseau, Jérôme Prieur dépeint sa grand-mère boulevard Magenta, les Mauriac avançant quai d’Anjou, le maréchal Juin dans son cercueil. Aussitôt le ciel des pages s’éclaire et le lecteur a le sentiment que l’aventure peut commencer.
Regarder et ne pas voir retrace le destin de Louis Gillet. Chez cet homme on peine à déceler du charme : quelques ouvrages, des articles, une correspondance, une élection d’importance tout de même, à l’Académie française, en 1935. À Normale sup, il a côtoyé Péguy – ce qui justifie le titre du livre de Jérôme Prieur, écho de l’injonction du grand Charles, « il faut voir ce que l’on voit » – mais cela ne semble guère avoir inspiré ce littérateur guindé. Tout au contraire. Et c’est là tout l’intérêt du parcours : face au nazisme, Gillet a vu trouble ; certes, il a discerné le danger, mais […]