Il est désolant de penser que nos concitoyens ne s’offrent plus beaucoup de disques à Noël. Autrefois, la cire et le sillon représentaient le comble du bonheur, et l’on aimait recevoir ou donner des coffrets de musique autant que de chocolat. La virtualité prétend tout emporter. Mais l’art des sons demeure une trop puissante expression de leur foi pour que les protestants versent dans une telle indifférence, un tel oubli. Voici quelques suggestions de cadeaux musicaux.  

Cette année de nouveau, nous recommandons « L’art de la Fugue » par Eric Vidonne (label Exordium). A cet instant, peut-être bondissez-vous : « Quoi ? Ce double disque a déjà quatre ans ! N’avez-vous pas d’autres nouveautés de Jean-Sébastien Bach à proposer ? » Nous pourrions vous répondre, citant Prévert, que « la nouveauté, c’est vieux comme le monde». Mais nous préférons reconnaître que ce diable de Vidonne est toujours au sommet, qu’il n’a pas été rejoint depuis 2018. Eh oui, c’est ainsi, l’ermite de Morez (département du Jura) reste le meilleur quand il s’agit du Cantor de Leipzig. Ecoutez cet extrait…La science et la lumière de l’artiste auront tôt fait de vous convaincre :

Toujours à l’affût de l’originalité, vous ne manquerez pas le livre-disque intitulé « Ecrits dans une sorte de langue étrangère » (label Elstir), un album dont nous avons déjà parlé, formidable hommage à Proust. Initié par la pianiste protestante Anne-Lise Gastaldi, cet objet contient deux disques et des contributions littéraires, visuelles, de haute volée. Joyeuses et précises, inspirées, les musiciennes du trio George Sand elles aussi vont vous séduire :

Les temps sont douloureux. La guerre est à nos portes. Et la conscience nous invite à la gravité. Mais pas au pathos. Dimitri Naïditch a vue le jour à Kiev, au temps de l’Union Soviétique. Dès son plus jeune âge, il a aimé le jazz à l’égal de la musique classique. Une façon fondamentale de traverser les frontières. Il s’est installé dans notre pays – qui est devenu le sien–  en 1991. Il n’oublie pas son pays de naissance et présente aujourd’hui deux disques: So Liszt et Ukraine (label Pianomamuse). Une partie des bénéfices de leur vente ira au conservatoire de Kiev (qui en a sans doute plus que besoin). Bravo. Mais nous voulons souligner l’invention, la qualité musicale de ces enregistrements. Le premier consiste en une variation – classique et jazz– autour de Liszt, et le second fait découvrir quelques chansons traditionnelles ukrainiennes, des compositions originales de Naïditch. A vous de choisir…

Sans doute avez-vous remarqué la place considérable que le piano tient dans cette chronique. Il serait  triste pourtant d’oublier la splendeur du violon, du violoncelle, d’un orchestre symphonique enfin. Vous choisirez, dans l’océan magnifique des artistes celles et ceux que vous aimez– Menuhin, Rostropovitch, et n’oubliez pas notre cher Charles Munch. Pour achever cette courte promenade, nous avons choisi de partager, non pas un disque, mais un moment de fraternité: le chef d’orchestre Zubin Mehta épaule son éminent confrère et ami Seiji Ozawa, atteint de maladie d’Alzheimer, pour diriger l’orchestre de Vienne :

A la musique, à la vie, Joyeux Noël !