Le cinéaste nous transporte dans une France rurale en pleine mutation, au cœur de la fin du XIXe siècle. Porté par une Alexandra Lamy magistrale et un Grégory Gadebois bouleversant de sincérité, ce long-métrage aborde de manière subtile et intelligente des thématiques aussi profondes que l’éducation, la liberté, la lutte des classes et le féminisme.
1889. Envoyée dans un village de la campagne française, l’institutrice Louise Violet doit y imposer l’école de la République, gratuite, obligatoire et laïque. Une mission qui ne la rend populaire ni auprès des enfants, ni auprès des parents.
Sous ses airs de drame intimiste, Louise Violet est un véritable manifeste sur l’importance du savoir, de l’émancipation par l’instruction, et sur la capacité de chacun à choisir son destin plutôt que de le subir.
Louise Violet, institutrice et symbole du progrès
Au centre de ce récit se trouve Louise (Alexandra Lamy), une jeune institutrice, aux multiples blessures, envoyée dans un village rural reculé pour imposer les principes de l’école de la République : gratuite, obligatoire et laïque. Ce contexte, ancré dans une époque où les campagnes françaises sont encore profondément attachées à leurs traditions, donne lieu à une confrontation entre l’ancien monde et le nouveau, entre un mode de vie ancestral et la marche inévitable du progrès.
Louise arrive avec la mission de transformer les mentalités et d’ouvrir l’accès au savoir à tous, y compris aux filles. Elle incarne cet idéalisme républicain qui croit fermement que l’instruction peut émanciper les esprits, briser les barrières sociales, et offrir à chacun une chance d’échapper à la fatalité de la naissance. Mais dans ce village isolé, où l’analphabétisme est encore courant et où l’autorité de l’Église reste omniprésente, sa mission se heurte à une résistance tenace. Ce face-à-face entre tradition et modernité devient un enjeu du film, métaphore de la lutte des classes et de l’émancipation sociale.
Une œuvre sur la liberté et l’émancipation
Au-delà du conflit d’idées, Louise Violet explore la quête de liberté individuelle. Louise, en cherchant à transmettre le savoir, ne défend pas seulement l’instruction, mais aussi l’idée que chacun a le droit de choisir sa propre voie. Elle fait face à une société où les rôles semblent fixés dès la naissance : les hommes sont fermiers, artisans, et les femmes sont destinées à être épouses et mères, sans autre horizon. Louise incarne cette révolte contre une destinée pré-écrite, plaidant pour le droit de penser par soi-même, de rêver d’autre chose, et de se libérer des carcans sociaux.
Grégory Gadebois, dans le rôle de Joseph, le maire du village, vient incarner une autre facette de cette problématique. Artisan charpentier, homme de peu de mots ne sachant ni lire, ni écrire, Joseph est profondément attaché à ses traditions et à sa vie simple. Pourtant, au contact de Louise, il commence à remettre en question son existence et les choix qu’il n’a jamais vraiment eu l’occasion de faire. Il prend tout d’abord confiance, s’humanise, fait plus attention aux autres et devient un chef naturel et protecteur. Leur relation, d’abord timide et marquée par leurs différences, devient progressivement une alliance de deux âmes cherchant, chacune à leur manière, une forme de rédemption, de liberté et d’amour.
L’importance de l’éducation et du savoir
La force de Louise Violet réside également dans sa manière de mettre en lumière le potentiel de l’éducation. Éric Besnard n’en fait pas simplement un cadre historique, mais une véritable trame narrative qui structure le film. L’école, sous ses apparences modestes, devient le théâtre d’un combat crucial : celui de la transmission du savoir face à l’ignorance. Dans ce village rural, l’instruction est perçue par certains comme une menace, une rupture avec l’ordre établi, tandis que pour d’autres, elle symbolise un espoir de progrès et d’émancipation.
Louise, en tant qu’institutrice, incarne l’idée que l’éducation peut être un outil de libération, particulièrement pour les femmes, alors souvent reléguées à des tâches domestiques ou subalternes. Elle se bat pour que les filles aient le droit d’apprendre, de s’instruire et de penser par elles-mêmes, refusant de les voir destinées uniquement à une vie d’épouse et de mère. Cette dimension féministe est présente tout au long du film, avec un traitement d’une grande intelligence et avec beaucoup de sensibilité.
Idéalisme, fatalisme et déterminisme
Ce qui rend Louise Violet particulièrement captivant, c’est la manière dont Éric Besnard traite le contraste entre l’idéalisme de Louise et le fatalisme ambiant qui imprègne la communauté. Face à la foi de Louise en la possibilité de changer les choses par l’instruction, les villageois semblent souvent résignés, convaincus que leur condition est immuable. Ce duel entre idéalisme et déterminisme donne au film une profondeur philosophique qui résonne bien au-delà du simple cadre historique.
Louise Violet est bien plus qu’un simple drame historique (aux allures de biopic bien que ce Louise soit un personnage de fiction) : c’est un film profondément humain, porté par de solides performances d’acteurs et une mise en scène délicate. Alexandra Lamy et Grégory Gadebois forment un duo inoubliable, réunis dans une quête de liberté et de sens qui transcende les époques. Éric Besnard signe ici une œuvre lumineuse, aussi bien pour sa réflexion sociale et politique que pour son humanité touchante.