L’initiative a de quoi surprendre. Partager des recettes de cuisine au moment où l’actualité est brûlante en Afghanistan ou en Syrie peut paraître décalé. Ce geste est pourtant essentiel pour l’intégration des familles accueillies, comme pour les familles d’accueil.
La cuisine au-delà des idées
On prétend qu’il y a plus de repas dans la Bible que de prières, ce n’est pas un hasard. La relation entre les humains nécessite la rencontre et les repas ont une portée symbolique forte. Lorsqu’une famille arrive d’un pays étranger, elle doit tout reconstruire, ses habitudes, son avenir, son cadre de vie. Elle ne peut le faire que si quelques marqueurs forment des piliers sur lesquels s’appuyer. Les pratiques culinaires en font partie. Et en l’absence de communication verbale fiable durant l’apprentissage de la langue du pays d’accueil, elles sont également des manières concrètes d’échanger et d’établir les premières relations. Du côté du pays d’accueil, les idées sont nombreuses. Idées préconçues sur la réalité des conflits et les caractéristiques des migrants, idées généreuses d’accueil ou d’accompagnement des réfugiés sans réelle prise de conscience des difficultés d’insertion, idées concrètes pour accentuer la démarche d’échange et amener la rencontre. Le repas partagé est donc au cœur de la démarche d’accueil mutuel, permettant l’intégration, la compréhension, la découverte de l’autre dans le quotidien de sa culture.
Plus qu’un partage culturel, une spiritualité
Au fil des recettes dévoilées et des moments à table, « chacun découvre comment des citoyens, bénévoles, paroissiens, mettent en œuvre la solidarité et la fraternité au service de personnes qui ont dû fuir leur pays et cherchent des repères », souligne Damaris Hedge, secrétaire régional de la FEP-Grand Est. Ce n’est pas qu’un partage culturel, puisqu’en dessous du repas, comme collés au plat, se dévoilent à l’autre la manière de le cuisiner et les goûts travaillés. Et avec eux se dit une part de la saveur de la vie, de la manière de déguster, de ce que l’on recherche dans le goût, de la spiritualité attachée au repas. Les cuisiniers le savent bien, partager une recette est un acte de confiance absolu dans l’autre. En matière d’accueil, c’est un acte de foi vers celui qui ne vous jugera pas mais sourira à la différence.
Une mise en scène poétique
La poésie de l’image, dans sa dimension crue de dévoilement et son esthétique, peut soutenir une recette ou le récit d’une expérience de vie. Elle peut surtout élever l’œil et l’esprit pour offrir à cet accueil mutuel une dimension d’inspiration. L’ouvrage qui peut en résulter n’est alors plus un livre de recettes ni de récits, mais acquiert un statut de témoignage. Pour la FEP, le souhait initial était que le lecteur puisse réaliser ces plats et découvrir la richesse de l’hospitalité et la joie d’accueillir une autre culture à sa table. Cela paraît aujourd’hui sympathique et utile, mais totalement dépassé car la force du résultat est infiniment spirituelle. En région parisienne, les occasions d’accueil et l’accompagnement de personnes étrangères sont légion. Les paroisses et services d’entraide ont parfois du mal à mobiliser les bénévoles et paroissiens dans ce qui paraît être une aventure trop exigeante. Des initiatives de ce type permettent pourtant de partager la foi, au-delà du concret.