Avec Mia Madre, Moretti renoue avec l’intime familial, comme il l’avait fait magistralement dans le passé, notamment dans La chambre du fils. Il nous donne ici un film d’une grande profondeur humaine car il touche à une question tellement individuelle et universelle, la mort d’une mère, traitée sans pathos, avec infiniment de délicatesse, de sensibilité et de tendresse. Moretti choisit de nous en parler à travers la vie des deux enfants de la Mama, Giovanni, le fils ainé, d’une présence sage, réconfortante et irréprochable dont il s’attribue le rôle et Margherita, sa sœur, réalisatrice ; cette dernière vit la mort de sa mère en plein tournage d’un film, comme Moretti lui-même l’avait vécue durant le montage d’Habemus Papam.
Le film concentre tous les thèmes qui tissent la vie, chers au réalisateur : la vieillesse, la mort, le désenchantement au travail, les difficultés familiales dans le couple et avec les enfants, les conflits sociaux. Mais ces sujets sérieux ne rendent pas pour autant le film pesant car Moretti les traite avec beaucoup de distance : distance avec lui-même et son métier de cinéaste, quand il prête au personnage principal du film de sa sœur, Barry, interprété par John Turturro, des propos désabusés sur le rôle d’acteur et sur le cinéma, distance aussi lorsque sa sœur reproche à son cadreur de se tenir trop prêt de l’action et de montrer de trop près la violence, distance également dans les scènes de la maladie et de la mort qui créent l’émotion sans voyeurisme ou impudeur. […]