Mercredi 17 mai 2023, la compétition démarre à Cannes, et pour moi deux films au programme, Monster d’Hirokazu Kore-Eda, qui revient cette année encore après avoir remporté le prix du Jury œcuménique l’année passée avec Les bonnes étoiles (et le Prix d’interprétation masculine), et Ama Gloria en ouverture de La Semaine de la Critique, de Marie Amachoukeli (Caméra d’or à Cannes en 2014 pour Party Girl avec Claire Burger et Samuel Theis).

Commençons par cette ouverture de la Semaine de la Critique, une sélection parallèle qui réserve chaque année de très belles découvertes. La sélection fétiche de la réalisatrice française Marie Amachoukeli, comme elle le rappela en présentant son film aujourd’hui.

Ama Gloria

Avec Ama Gloria la cinéaste nous emmène dans les tréfonds de l’attachement. Une histoire d’amour entre une enfant de six ans, Cléo, une petite fille aux cheveux bouclés (Louise Mauroy-Panzani), élevée par son papa veuf, et sa nounou capverdienne Gloria (Ilça Moreno) qui l’élève depuis sa naissance et qui devra repartir au pays après le décès de sa mère pour s’occuper de ses enfants. Avant son départ, Cléo lui demande de tenir une promesse : la revoir au plus vite. Gloria l’invite à venir dans sa famille et sur son île, passer un dernier été ensemble.

Cléo, est un personnage charismatique aux prises avec les grandes questions de la vie. Elle est le point central du récit et fixe, d’une certaine façon, la hauteur de vue proposée par la caméra.

Dans un scénario généreux en moments de proximité et qui redistribue les cartes de l’émotion, Amachoukeli et sa co-autrice Pauline Guéna (auteur déjà de l’excellent La Nuit du 12) mettent l’accent sur son évolution – il y a la perte de la mère, la séparation, les retrouvailles et la difficulté à gérer la jalousie. Amachoukeli ajoute une tension dramatique qui grandit vers la fin du film – c’est un exercice d’équilibre délicat qui, à la fois, place notre petite héroïne dans l’embarras mais explore aussi différents degrés des personnages – un rappel possible à entrevoir que les gens de tous âges peuvent évoluer et grandir. Un mot enfin sur le travail de Pierre-Emmanuel Lyet qui intègre une animation picturale émouvante – une sorte d’abstraction poétique pour souligner les courants émotionnels de chaque partie.

Ama Gloria est un film qui sent bon la vie, et qui joue aussi sur l’échange culturel et la richesse qui l’accompagne. Un joli moment de cinéma.

Monster

En ouverture de la compétition, le prolifique maître du cinéma contemporain japonais Hirokazu Kore-Eda revient pour la neuvième fois à Cannes (dont deux fois dans la sélection Un Certain regard). Son nouveau long métrage, Monster, s’inscrit sans doute davantage dans la lignée de son émouvant Tel Père, Tel Fils, lauréat du prix du Jury en 2013, et de Shoplifters, lauréat de la Palme d’or en 2018. On y retrouve d’ailleurs à nouveau la merveilleuse Ando Sakura qui joue Saori, une mère veuve (dite « célibataire » dans le film) qui se bat pour élever son fils Minato (Kurokawa Soya) qui, comme le montre le premier acte du film, traverse des moments difficiles à l’école élémentaire.

Monster nécessite, il me semble, la découverte et je fais le choix ici de rester silencieux sur le déroulé de l’histoire qui se dévoile progressivement tout au long du film et au-travers de plusieurs regards ou points de vue.

Sachez juste que Monster s’enveloppe de secrets et de mensonges, la vérité se situant dans des zones grises en fonction de la personne qui est au centre de l’attention à un moment donné. La famille, comme c’est généralement le cas dans les films de Kore-Eda, joue un rôle important ici, de même que les effets durables du deuil et les divisions et murs que nous construisons autour de nous, ou des autres qui nous entourent. Les deux enfants, acteurs principaux, sont tout simplement superbes, sans manquer de rappeler Close, lauréat du Grand Prix l’année dernière, en termes d’examen complexe d’enfants vulnérables subissant divers traumatismes au cours de leur jeune vie.

Une histoire extrêmement émouvante et dans l’air du temps portée par la partition du grand compositeur oscarisé Ryuichi Sakamoto, qui apporte une bande originale finale tout simplement parfaite.