On y parle nécessairement de la mort, mais aussi d’un tas d’autres choses : le remord, la réconciliation, le handicap, les jugements, la différence, les abus, la violence conjugale, les liens familiaux…
Adaptée du livre Things Left Behind de Kim Sae Byeol, la série met en scène une multitude de thématiques qui trouvent naturellement place au cœur des intrigues de ces 10 épisodes, tout simplement remarquables, tout en pudeur et profonde bienveillance.
Han Geu-Ru est un jeune homme atteint du syndrome d’Asperger. Il travaille pour l’entreprise de son père, Move To Heaven : leur travail consiste à ranger les objets laissés par les personnes décédées. À la mort de son père, Geu-Ru fait la rencontre de son oncle Sang-Gu, un homme froid qu’il n’avait encore jamais vu. Ancien artiste martial qui a combattu dans des matchs clandestins de MMA, il est allé en prison à cause d’un accident lors de son dernier combat. Sang-Gu devient désormais le gardien légal de son neveu. Ensemble ils vont devoir diriger Move To Heaven. Le duo s’avère être la paire la plus incompatible pour ce travail. Tandis que Geu-ru s’efforce de comprendre le monde qui l’entoure, Sang-gu se bat avec ses luttes intérieures et ses dettes ; l’un exige de l’ordre tandis que l’autre le déteste. Apprendront-ils à travailler ensemble, ou tout cela les séparera-t-il ?
Ce drame en dévoilement de tranches de vie excelle dans la narration et les performances exceptionnelles de Tang Jun-sang (Han Geu-ru) et Lee Je-hoon (Sang-gu).
Move to Heaven offre une forme d’équilibre complexe entre la souffrance de ceux qui partent et celle de ceux qui ont été laissés derrière. Elle explore, avec une incroyable nuance, le concept de traumatisme, qu’il s’agisse de la procédure concrète de « nettoyage », de l’épreuve vécue par chaque famille lorsqu’elle fouille dans les effets personnels du défunt, ou encore des douleurs profondes de l’enfance de Geu-ru et Sang-gu.
La série propose également une problématisation à plusieurs niveaux du concept de boîte. Les récipients jaunes qui résument la vie d’une personne sont une image poétique de la fragilité de l’existence. En livrant les affaires restantes, Geu-ru et Sang-gu découvrent les luttes des défunts et la façon dont ils ont géré le fait d’être enfermés dans des boîtes, pour ainsi dire ; ils invitent les spectateurs à repenser leur perception de ce qu’ils sont et de ce qu’ils devraient être, à relire leurs histoires. Et enfin, chaque pièce que la compagnie nettoie peut être considérée comme une autre boîte en soi – cet endroit où nous dormons, mangeons et vivons nos journées n’est qu’un autre confinement résumant notre être, réduit à quatre murs et une porte.
Tout au long des épisodes, Move to Heaven exprime la profonde difficulté à survivre après le dernier souffle d’un autre. Dans les ruines de ce qui reste, tout ce que nous pouvons faire parfois, c’est rassembler des morceaux de souvenirs que nous n’avons jamais vraiment pris la peine de conserver et dont nous nous souvenons pourtant précisément. C’est l’importance du deuil qui se révèle également passant notamment par la nécessité de régler certaines choses de ce passé.
La série est ainsi un voyage émotionnel bouleversant semblable quelque peu à un voyage solitaire dans un parc. Puis, vous vous retrouvez assis là, seul sur un bac, à regarder ceux qui passent, en vous demandant quelle vie ils mènent, à quoi ils pensent, ce qui les fait aimer, rire, pleurer… ce qui les fait vivre. Car, bien que nous soyons tous différents, nos expériences sont à parts égales à la fois uniques et universelles. Nous traversons tous des pertes et des joies, et un cycle de blessures inépuisables, que seuls ceux que nous aimons rendent vraiment supportables.
Ceux qui ont perdu un être cher ne connaissent peut-être que trop bien la douleur inexprimable qui ne survient qu’une fois toutes les formalités cérémonielles accomplies. Le silence assourdissant au retour à la maison témoigne d’une absence qui n’a jamais été aussi viscérale et réelle. Les vêtements non portés, les livres méticuleusement conservés au fil des ans, les gadgets et les bijoux, les chaussures usées – tous sont soudainement privés de leur propriétaire. C’est sans doute un curieux revers de la médaille de la perte. Une présence invisible, profondément ressentie, mais qui crie pourtant l’absence… comme un mot resté sur le bout de la langue et qui ne sera jamais concrétisé. En définitive, Move to Heaven nous raconte tout cela et met en lumière cette lapalissade : c’est dans la mort, que l’on se rend véritablement compte de l’importance de la vie. « Qu’il est beau d’admirer le dos de celui qui se retourne… »
Une série à savourer…