Initialement, les responsables paroissiaux de la catéchèse souhaitaient présenter aux jeunes les sources de la foi chrétienne à travers le judaïsme. Démarche d’ouverture culturelle et spirituelle censée renforcer les liens entre tous, la visite du MAHJ était prévue pour regrouper une douzaine de jeunes et leurs accompagnants autour d’une conférencière, garante du sérieux et de la profondeur des échanges.
Entre la culture et la rencontre
Il est des moments où le temps suspend son vol, nul ne sait pourquoi ni comment. Cela ne venait pas vraiment de l’impression de grandeur de l’hôtel particulier qui jadis était occupé par de nombreux commerçants juifs du quartier et accueille maintenant le MAHJ. L’imposante statue moderne au milieu de la cour ne suffisait pas non plus à expliquer cette impression singulière, même si le capitaine Dreyfus est un symbole de notre histoire riche et parfois complexe avec la communauté juive de France, avec laquelle le protestantisme a des liens forts.
Le silence s’est établi face à la maquette trônant dans l’entrée, un plan-relief de Jérusalem offerte par un avocat d’Odessa en 1892. L’œuvre est certes magnifique, mais c’est Yaelle, la conférencière de l’équipe pédagogique du musée qui lui donne vie.
De la description au témoignage
Cette maquette représente de façon naïve la Jérusalem à l’époque romaine, lieu d’étude des textes et des interprétations de la Torah et seule ville où existait le monothéisme dans l’empire. C’est intéressant de l’apprendre, bien sûr. Mais au sommet de cette œuvre, Yaelle pointe alors une écriture en hébreu correspondant au psaume 137.5, qui imprègne la littérature religieuse et lyrique de toute l’histoire juive en mémoire de la Terre promise : « Si je t’oublie Jérusalem, que ma main droite m’oublie… ». À partir de ce moment, un va-et-vient entre l’histoire et ce que chacun peut ressentir se met en place, le silence se fraie un chemin dans ce passage entre la culture et la spiritualité personnelle.
Une résonance personnelle
Puis les œuvres se sont égrenées durant deux heures, permettant à notre guide de faire de nombreuses passerelles entre les communautés juives et chrétiennes, la symbolique des fêtes, la place du livre et des études bibliques, la force des liens sociaux, le rôle clé de Paul (Saul de Tarse) dans l’émergence du monde chrétien.
Par exemple, l’évocation d’un texte du Nouveau Testament dans la culture et la compréhension hébraïques est parfois une découverte, toujours une ouverture. Les heures auraient pu paraître longues à se poser en groupe devant des détails, mais lorsque l’on touche aux questions fondamentales que chacun se pose, lorsque l’on répond aux interrogations existentielles du moment, lorsque l’un ou l’autre partage une expérience ou un doute, la notion de temps devient très relative.
La rencontre, clé de l’ouverture
Cet état d’esprit a habité le groupe de catéchumènes et leurs accompagnants jusqu’à l’œuvre érigée à la sortie du musée : une synagogue portugaise construite à Amsterdam. Hasard de la visite, nous apprenions qu’elle fut inaugurée par des Juifs fuyant l’Europe du Sud au XVIIe siècle, époque à laquelle le protestantisme français était en mauvaise posture. Les communautés protestantes et juives ont su s’y retrouver, éclairées par un esprit d’accueil et de rencontre. Mais y a-t-il un hasard ? Prévue pour ouvrir les esprits à d’autres spiritualités, cette visite a pu, par la rencontre, ouvrir les cœurs.
Par Jérôme Thomas, catéchète de Rueil-Malmaison