S’il n’y a pas de saison particulière pour écouter de la musique, l’été peut s’avérer être, malgré tout, un moment propice pour découvrir de nouveaux artistes ou albums pendant les congés, moments de détente ou autres instants décalés de train-train habituel. C’est pourquoi je vous propose ici ma sélection ÉTÉ 2019 composée de sept albums sortis ces derniers mois ou semaines.
1 – Christone « Kingfish » Ingram – « KINGFISH »
Sorti le 17 mai 2019 via Alligator Records et produit par Tom Hambridge, deux fois gagnant d’un Grammy, Kingfish est un grand album. Peut-être le plus grand album de blues de 2019. Âgé d’à peine vingt ans, Christone « Kingfish » Ingram, n’est pas un guitariste et un auteur-compositeur-interprète ordinaire. C’est un véritable phénomène de la musique blues qui fait trembler la scène musicale jusqu’à la racine.
Christone a grandi à Clarksdale, pas très loin de la plantation où Muddy Waters a vécu son enfance, et du fameux carrefour mythique des autoroutes 61 et 49. Sa famille a chanté à l’Église et sa mère est la cousine germaine de Charley Pride, légende de la musique country. À partir de six ans, Ingram a joué de la batterie, de la basse et à onze ans, il a rapidement maîtrisé la guitare. Il s’est imbibé de la musique de Robert Johnson, Lightnin ’Hopkins, BB King, Muddy Waters, Jimi Hendrix et Prince.
Christone ‘Kingfish’ Ingram est donc un immense guitariste, doublé d’un très bon compositeur. Et précisément, il signe huit des douze morceaux de son premier album, et son écriture est de qualité tant au niveau des paroles que des mélodies. N’ayons pas peur des mots, ce disque est une pure merveille !
2 – Yola – « WALK THROUGH FIRE »
Si Yola a des origines ghanéennes, elle est pourtant née en Angleterre. La chanteuse noire originaire de Bristol a été marquée par Aretha Franklin dès l’âge de 4 ans : après avoir entendu l’album Young, Gifted & Black, la petite fille déclare à sa mère sans ambages : « Moi aussi, je vais écrire des chansons et chanter ». Plus tard, elle découvre The Byrds, Crosby, Stills, Nash and Young.
Après avoir frayé avec Massive Attack, l’un des groupes phares des années 1990, Yola nous offre maintenant son premier album solo.Walk Through Fire est un vrai miracle – un cocktail enivrant de soul, de gospel et de country-pop. Les chansons coécrites par Yolaet des musiciens américains virtuoses ont l’envergure de véritables standards.
Walk Through Fireest un album magnifique qui réactualise une fusion musicale du début des années 1960, celle de la country et de la musique soul.
3 – Carlos Santana – « AFRICA SPEAKS »
Ce nouvel album est une performance en tout point magistrale. C’est Rick Rubin qui a produit ce 25ème opus de Carlos Santana, “Le producteur le plus important des 20 dernières années”, selon la chaîne MTV, car le bougre était dans le coup avec les Red Hot Chili Peppers, Johnny Cash, Tom Petty, AC/DC, System of a Down, ZZ Top et j’en oublie un maximum d’autres…
Indubitablement, Africa Speaks et sa fulgurante syntaxe musicale ne peuvent laisser quiconque indifférent. Enregistré à la vitesse de l’éclair, en seulement dix petits jours, l’album se révèle aussi surprenant qu’intemporel. Inspiré par l’Afrique, il s’agit ici d’une véritable fusion entre Rock, Latin et Jazz. Pour réussir ce tour de force, Carlos Santana a réuni une formation de 8 membres, avec deux sublimes et talentueuses chanteuses aux voix superbes, Buikaet Laura Mvula. La femme de Carlos Santana, Cindy Blackman Santana, est à la batterie, Salvador Santana, le fils de Carlos, est aux claviers sur Breaking Down The Door, Tommy Anthony à la guitare rythmique, Benny Rietveld à la basse, Karl Perazzo aux timbales, congas et percussions, David K. Mathews à l’orgue Hammond B3, Ray Greene au trombone et dans les chœurs en compagnie d’Andy Vargas. Des musiciens énormes sur des morceaux dorés à l’or fin ! Quant à Carlos Santana lui-même, son jeu de guitare se bonifie encore de jour en jour. Les années semblent n’avoir aucune prise sur le bonhomme, qui traverse les décennies comme s’il venait tout juste de descendre de la scène de Woodstock. Carlos Santana a composé tous les titres, avec la complicité de Buika, Laura Mvula, Manu Chao, Rachid Taha, Steve Hillage et j’en passe.
4 – Noa – « LETTERS TO BACH »
25 ans déjà que Noa s’est imposée sur la scène mondiale avec son tube I don’t know. La voici de retour avec un projet qui risque d’en surprendre plus d’un, entièrement dédié à Jean-Sébastien Bach et produit par Quincy Jones. Douze pièces instrumentales adaptées par le guitariste et compositeur Gil Dor, sur lesquelles la chanteuse israélienne a posé ses propres textes, en anglais et hébreu. Religion, technologie, euthanasie, féminisme, amour, conflit israélo-palestinien… Les thèmes sont actuels, confirmant ainsi la volonté de l’auteur de dresser des ponts entre les siècles, les genres et, plus largement, entre les différentes cultures et religions.
La voix reste impressionnante de maîtrise, d’envergure et de nuances, d’autant plus mise en valeur par des arrangements de cordes aussi fins que minimalistes.
Letter to Bach, un album d’une originalité et d’une modernité incroyable. Entre pop, classique et jazz.
5 – Mavis Staple – « WE GET BY »
Légende américaine de la soul, du gospel et du blues, infatigable militante des droits civiques, Mavis Staples reprend à presque 80 ans son bâton de pèlerin, avec un album taillé sur mesure par Ben Harper.
Martin Luther King était son guide et son ami. Bob Dylan la vénérait et l’a même demandée en mariage. Mais Mavis Staples reste pourtant une star discrète. Sa carrière n’est pas celle d’une diva, son attitude non plus. Et aujourd’hui la pétillante octogénaire poursuit son combat musical avec cet album We get by.
Il faut le dire tel quel… elle dégage une énergie bienveillante assez irrésistible. Benjamine des Staples Singers, le légendaire groupe familial qui a participé à mettre le gospel et le R&B au service des droits civiques, sa voix a sans doute plus de grain qu’à l’époque mais surtout pas moins de puissance et de vivacité. Mêlant blues, tonalités gospel et parfois rock, c’est un album porté par une énergie communicative, rempli de « protest songs » modernes, mais aussi de ballades tendres. La violence armée, le besoin de changement, la fraternité, la foi qui soutient : tout est là, dans un album inspiré sans fioritures inutiles.
6 – Keb’ Mo’ – « OKLAHOMA »
Très grand cru de l’immense KEB’ MO’ avec ce quatorzième album. Lui qui a d’abord été acteur de théâtre et de cinéma, dirigé par Martin Scorsese en 2003, qui a fait partie de la formidable aventure Playing For Change de Mark Johnson et qui a obtenu 4 Grammy Awards du Meilleur Album de Blues contemporain en 1997, 1999, 2005 et 2018. L’une des grandes forces de KEB’ MO’ est de parvenir à combiner ses connaissances sur l’histoire du Blues depuis ses origines ainsi que les différents styles de Blues avec des sujets très contemporains et d’actualité, tels que la pollution, l’immigration, le féministe, la santé mentale et, bien sûr, l’amour – le tout enveloppé dans son style intime, engageant et confiant habituel. En plus d’être un fin compositeur, rappellerons que c’est un musicien talentueux qui maîtrise parfaitement la guitare.
Largement admiré et respecté, il n’a eu aucun mal à trouver des invités/amis très talentueux désireux de participer à l’enregistrement de ce disque, dont le guitariste Robert Randolph, le légendaire Taj Mahal, la sensation latine Jaci Valasquez, Rosanne Cash qui met son empreinte vocale unique sur l’hymne féministe du moment, Put a Woman In Charge et bien sûr son épouse Robbie Brooks Moore, pour des parties vocales de toute beauté.
7 – Chick Corea, The Spanish Heart Band – « ANTIDOTE »
À la tête d’un octet rutilant qui réunit des musiciens venus de l’Espagne, de Cuba, du Venezuela et des États-Unis, le célèbre pianiste de jazz Chick Corea plonge dans son héritage musical espagnol, latin et flamenco. Dans la droite ligne de Touchstone and My Spanish Heart, on y trouve des thèmes de Paco de Lucía, Antonio Carlos Jobim et Igor Stravinsky auxquels s’ajoutent des reprises de ses deux albums fétiches.
« Mes racines sont italiennes, mais mon cœur est espagnol. J’ai grandi avec cette musique. Ce nouveau groupe est un mélange de tous les merveilleux et différents aspects de mon amour et de mon expérience vis-à-vis de ces rythmes qui constituent une grande partie de mon patrimoine musical. » Explique Chick Corea.
Pour se lancer dans cette nouvelle exploration dynamique de ses racines de cœur, le virtuose du clavier âgé de 78 ans a réuni autour de lui The Spanish Heart Band, un groupe de huit brillants musiciens. Ainsi, une rythmique imparable entoure Corea avec le maître cubain de la basse Carlitos Del Puerto et le percussionniste vénézuélien Luisito Quintero. La batterie est confiée à Marcus Gilmore qui suit les traces de son grand-père, le grand Roy Haynes, lequel a d’ailleurs lui aussi collaboré avec Corea. Outre la section rythmique, The Spanish Heart Band compte deux musiciens originaires d’Espagne, le guitariste de flamenco Niño Josele et le saxophoniste/flûtiste Jorge Pardo, qui ont tous deux travaillé avec le maître du flamenco Paco de Lucía. À leurs côtés, un duo de soufflants imparable composé du trompettiste Michael Rodriguez et du tromboniste Steve Davis. Enfin, le groupe accueille le danseur de flamenco Nino de los Reyes. À cet octet multiculturel expert en flamenco et en rythmes latins s’ajoutent les voix de Rubén Blades, deGayle Moran Corea etMaria Bianca.
Antidote, un album dynamique d’une grande musicalité, vibrant d’une latinité qui enchante, fait rêver et incarne peut-être l’un des rôles de la musique et des artistes : contribuer à apporter un dose d’espoir et de bonheur… comme un antidote contre la morosité ambiante.