La socca de Marinette, au cours Saleya, danse en robe de pois chiches ; et quand elle plonge dans votre cornet de papier blanc, vous n’avez plus qu’à la prendre par les sentiments. Chaque matin, le marché de Nice bat son plein : fleurs que l’on cuisine en beignets, bains moussants de pivoines et bouquets de poivrons, délices de Méditerranée.

Nice, ville des artistes

La mémoire des créateurs est ici cultivée. L’une des maisons grises qui bordent la mer abrita pendant quelques mois le couple AragonTriolet. Si vous prenez l’autobus qui conduit du centre-ville à Cimiez, vous longez l’ancien hôtel Régina, où vécut Matisse.  Et puis, la musique y est comme chez elle. D’abord parce que, tout près de la prom’ – ainsi les Niçois surnomment-ils leur si célèbre avenue – depuis la tour Bellanda, Berlioz comprit la beauté de la baie. « Ô Nizza ! Je n’ai rien trouvé de plus beau que cette colline inspirée, ni Capri, ni la radieuse baie de Salamine ne sauraient être comparées, écrivit le compositeur dans ses Mémoires. J’ai trouvé ma ville, c’est Nice. »

Ensuite parce que dans la ville se donnent avec passion des récitals et des opéras. Enfin parce que s’y déroule chaque été l’un des plus beaux festivals de France : Nice Classic Live.

Ô bien sûr, il porte un nom dont Régis Debray ne manquerait pas de se gausser, soulignant que la France est désormais « Province d’empire ». Mais si nous franchissons cette courte barrière symbolique, alors un monde merveilleux nous est offert. A nouveau partons pour Cimiez, colline inspirée – mais dénuée de chauvinisme – éclairée d’un jardin comme à l’antique, au pied de laquelle un souvenir de fleuve traverse les quartiers populaires.

Musique classique et Jazz

Dans le cloître du monastère, Marie-Josèphe Jude organise et dirige le festival qui se déroule cette année jusqu’au 8 août. On devine chez cette pianiste renommée la volonté de partager le goût du risque ainsi que l’aventure. Elle a choisi d’associer le jazz et les partitions contemporaines à la musique romantique ou moderne, un reflet de l’air du temps qu’elle porte avec exigence. Marie-Josèphe Jude sait en effet convaincre les artistes de donner le meilleur d’eux-mêmes.

On vous évitera la présentation complète du programme car il n’est rien de plus rasoir. Il nous suffira de vous dire qu’en ouverture Bertrand Chamayou livra l’un de ces récitals sublimes dont il a désormais le secret – Ligeti ponctuait Liszt et Ravel dans un torrent génial  de sensations fortes – et que s’annoncent de belles soirées – avec, notamment, Hortense Cartier-Bresson, Emmanuelle Bertrand, Jean-François Heisser, Pascal Amoyel, ou bien encore le merveilleux Dédé Ceccarelli, niçois de stricte obédience – pour que vous compreniez que Nice Classic Live n’est pas un rendez-vous banal.  

« Dans tout cela, direz-vous, les protestants tiennent-ils un rôle ? »

Mais oui, voyons, comment cela pourrait-il être autrement ? D’abord, on vous recommande le temple de la ville, avec son jardinet, son clocher – mais oui – son élégance et sa paroisse dynamique. Il peine à concurrencer chez les touristes les églises baroques et leur déluge d’or, de vierges et de saints, de cierges à faire brûler matin, midi, et soir. Mais vous, vous ne le manquerez pas.

Et puis les protestants jouent de la musique au festival. On note la présence d’Anne-Lise Gastaldi. Pianiste formidable comme il est des oiseaux de belle envergure, niçoise et protestante, elle donne bien souvent des concerts et occupe une place importante au sein de l’Académie internationale de musique, une session pédagogique ouverte à des élèves du monde entier. Parfois, sa cousine Virginie Buscail, violoniste également protestante, fait partie de l’équipée.

De surcroît, cette année, Alice Taglioni s’avancera sur la scène. Comédienne ayant désiré conduire une carrière de pianiste, cette artiste reste fidèle à son ancrage Réformé.

« Cela ne m’a jamais quittée, bien que je n’aille pas au culte chaque dimanche, nous a déclaré celle qui fut marraine du CASP et reste proche de cette association. Pour moi, le protestantisme est d’abord une exigence, une discipline, un certain état d’esprit qui nous encouragent à nous tenir droit, ne pas attendre des autres ce que l’on peut faire soi-même. En revenant vers la musique, un domaine où peu de gens m’attendaient ces derniers temps, je pense rendre grâce à ma façon. »

Le 26 juillet à 19 heures, Alice Taglioni jouera du piano en compagnie de son ancien professeur, Jean-Marie Cottet, dira des textes d’Anna Akhmatova, lors d’un spectacle dont Claire Désert et Florent Boffard seront les solistes.  

Une soirée Russe… Nice la Russe… Nos pensées vagabondent et soudain notre cœur se serre. Alexandre Adler vient de mourir et cela nous pince très fort. On avait tant d’affection pour cet homme de science dont les fulgurances marquaient toujours et dont le sourire traduisait la générosité. Nous en avons la certitude : il aurait aimé la socca de Marinette. 

Informations et réservations : https://niceclassiclive.com/fr