Noémie dit oui plonge le spectateur dans l’univers glauque et ultra violent de la prostitution juvénile. Avec pudeur, sans voyeurisme, mais une puissance de l’image et des choix de réalisation forts, c’est un film sombre qui exprime la colère et dans le même temps illumine par son impact.

Noémie (Kelly Depeault), une adolescente impétueuse de 15 ans, vit dans un centre jeunesse depuis trois ans. Lorsqu’elle perd tout espoir d’être reprise par sa mère, Noémie fugue du centre en quête de repères et de liberté. Elle va rejoindre son amie Léa (Emi Chicoine), une ancienne du centre, qui l’introduit dans une bande de délinquants. Bientôt, elle tombe amoureuse du flamboyant Zach (James-Edward Métayer) qui s’avère être un proxénète. Fin stratège aux sentiments amoureux ambigus, Zach incite Noémie à se prostituer. Récalcitrante au départ, Noémie dit oui.

Kelly Depeault, qui prend l’histoire de Noémie sur ses épaules et jusqu’au fond de ses tripes, est impressionnante dans son expression, son regard et l’émotion qui s’en dégage. Elle est le fil conducteur de ce récit initiatique, de cette histoire tragique, mais hélas pas si rare, comme le rappelle les derniers mots sur l’écran : « Au Canada, l’âge moyen d’entrée dans la prostitution se situe entre 14 et 15 ans ». Geneviève Albert ne la lâche pas, avec une intention très claire et affirmée de nous donner de vivre le drame qui se joue dans cette petite existence fragile et naïve : « On reste collé contre elle, contre ses vacillements, ses furies, son corps frêle, son souffle court. On demeure aux premières loges de tout ce qu’elle traverse et qui la transperce. » Enfin, pour être plus exact, la caméra la quitte parfois et se place de l’autre côté, pour filmer les scènes de prostitution, en pointant vers les clients de Noémie, dans une mise en scène frontale et en n’hésitant pas à multiplier la répétition, en la chiffrant même à l’écran. Une démarche, là encore, qui fait sens et amplifie l’impact des images. La cinéaste explique ce choix : « ils ont un visage, un corps, une voix. Ils sont concrets, ils sont ordinaires, et ils sont nombreux… L’instant d’un film, j’ai voulu qu’on ne puisse pas ignorer l’horreur. Qu’on ne puisse pas s’en détourner. »

Noémie dit oui raconte littéralement une descente aux enfers. C’est un film coup de poing, à l’image sans doute d’un titre punk, la musique que la jeune héroïne écoute et porte fièrement sur son t-shirt. Mais c’est aussi un film qui porte une certaine espérance dans le fait que tout n’est pas forcément écrit d’avance… jusqu’au bout.