Alors que Cécile s’apprête à réaliser son rêve, ouvrir son propre restaurant gastronomique, elle doit rentrer dans le village de son enfance à la suite de l’infarctus de son père. Loin de l’agitation parisienne, elle recroise son amour de jeunesse. Ses souvenirs ressurgissent et ses certitudes vacillent…
Adapté de son court-métrage primé aux César 2023, Amélie Bonnin prolonge son récit en lui apportant certaines variante et nous donne de découvrir Juliette Armanet, chanteuse adulée de la nouvelle scène française, dans ce rôle de comédienne, incarnant avec sincérité une héroïne prise entre ses rêves et ses racines. À ses côtés, notamment, Bastien Bouillon et surtout François Rollin qui apporte de la profondeur et un supplément d’âme à cette très belle histoire. Présenté hors compétition et en ouverture à Cannes, Partir un jour sort plus largement ce mercredi 14 mai dans les salles françaises. Une belle occasion offerte au public de vibrer au rythme de Cannes, sans attendre.
Un récit entre nostalgie, musique et reconnections
Cécile, cheffe prometteuse à Paris révélée dans l’émission Top Chef, s’apprête à ouvrir son restaurant gastronomique. Mais tout s’interrompt ponctuellement lorsqu’elle apprend que son père, qu’elle n’a pas vu depuis longtemps, a été victime d’un infarctus. La voilà replongée, presque malgré elle, dans son village natal, dans le routier que tiennent ses parents. Ce sont aussi des retrouvailles avec ses amis du collège qui ont bien grandi… et notamment un amour de jeunesse jamais vraiment oublié. Elle doit faire face à ce qu’elle a fui, à ce qu’elle croyait avoir dépassé, mais aussi à ce qui, en elle, demeure encore vivant.
La musique, discrète mais très signifiante, ponctue le récit avec sensibilité. Elle agit comme un fil entre le passé et le présent, entre l’enfance rêvée et l’âge adulte désenchanté. Dans certaines scènes chantées (mais jamais artificielles), la voix d’Armanet révèle une autre profondeur : celle de l’émotion brute. Pour le public qui a les « réfs » se construit alors possiblement un magnifique karaoké intérieur avec quelques-uns des tubes de la variété française (comme Le Loir-et-Cher de Michel Delpech, Mourir sur scène de Dalida, Pour que tu m’aimes encore de Céline Dion, Femme Like U de K. Maro, Cette année-là de Claude François (mais façon Yannick) ou, naturellement, Partir un jour des 2Be3). Car « Amélie Bonnin a puisé dans un répertoire très puissant qui parle à plein de générations différentes et qui rappelle à chacun un moment, celui où […] t’étais dans ta bagnole, tu te séparais de quelqu’un que t’aimais… Ça évoque, pour énormément de gens, quelque chose de très intime. C’est la puissance des gros tubes : ces liens invisibles qu’on a tous et toutes avec les autres », défend Juliette Armanet en interview.
Sous le charme, des thématiques de poids
Ce qui aurait pu n’être qu’une comédie douce-amère sur le retour au pays natal se révèle être une œuvre subtilement engagée dans les questions de notre époque. Une grossesse non désirée, une carrière sacrifiée, des liens familiaux distendus, un territoire déserté : tout cela traverse Partir un jour sans jamais alourdir le récit. Au contraire, ces thématiques y sont traitées avec une grande délicatesse, sans didactisme, mais avec lucidité.
Le film questionne nos choix de vie, souvent faits dans l’urgence ou la peur, et leurs conséquences à long terme.
Il parle aussi de notre rapport au rêve : faut-il tout abandonner pour réaliser son ambition ? Ou bien nos rêves profonds ne parlent-ils pas aussi d’enracinement, de réconciliation, de lenteur retrouvée ?
Une proposition rafraîchissante et bienveillante
En choisissant Partir un jour pour ouvrir le festival, les organisateurs ont opté pour une proposition singulière : ni manifeste politique, ni drame sensationnaliste, mais un film à hauteur humaine, qui parle à chacun. Dans une époque saturée de récits sombres et de discours anxiogènes, ce film ose la tendresse, sans naïveté. Il offre un regard apaisé, mais lucide, sur les tiraillements de notre époque.
Cette douceur est, en soi, un acte de résistance. Elle dit que la douceur est encore possible, que la beauté d’une lumière sur un champ, d’un plat partagé ou d’un regard échangé, peut encore porter du sens.
La parabole de la fille prodigue
Avec Partir un jour c’est aussi l’idée possible du retour, de la réconciliation, de la réévaluation de ce qui fait la vraie vie. Cécile, comme une fille prodigue à rebours, revient sans l’avoir prévu, et se découvre elle-même en redécouvrant les autres. La mémoire, le pardon, la fécondité (symbolique autant que physique), y prennent une place discrète mais essentielle. Et, sans dévoiler quoi que ce soit du dénouement, rien n’est trop simpliste non plus et notre imaginaire a aussi la possibilité de fonctionner pour prolonger l’histoire là où elle s’arrête.
Voilà donc un film qui touche à ce qui nous met en mouvement : l’amour, la perte, la vocation, le lien et qui, globalement, fait du bien !Partir un jour est désormais en salles. On y entre avec le sourire, on en sort avec une forme de paix intérieure. Sans tambour ni trompette (enfin presque), une histoire qui nous parle à tous : de ce que nous avons quitté, de ce que nous espérons encore, et de ce que nous sommes appelés à retrouver.