À l’heure où la crise du Covid-19 ouvre la voie à la possibilité d’une refondation de notre vivre-ensemble, ce livre entend poser les fondements philosophiques d’une «conversion écologique». Tout en s’inscrivant dans le sillage de l’encyclique Laudato si’, où le pape François lance un vibrant appel à la conversion écologique, l’auteure s’efforce de penser les enjeux proprement philosophiques liés à cette notion.

En s’appuyant sur des auteurs tels que Heidegger et Hans Jonas, la première partie de la recherche montre la nécessité d’une véritable «conversion» face au péril métaphysique que représente la Technique envisagée ici comme dévoiement de notre «être-au-monde». Dans un contexte marqué par la résurgence du catastrophisme, l’auteur entend ici souligner la dimension humaniste qui constituait l’horizon de la pensée de ses fondateurs (Günther Anders, Jacques Ellul…) tout en confrontant leur vision à celle du «Principe Espérance» porté par Ernst Bloch.

La seconde partie consiste à poser les fondements éthiques et religieux du concept de conversion. De la metanoia platonicienne aux thérapies de l’âme stoïciennes et épicuriennes, l’auteur explore la place de la connaissance de la nature (physis) dans le «retour à Soi» (epistrophè) de ces sagesses grecques. Peut-on voir en elles la source d’une véritable «conversion écologique» par laquelle il s’agirait autant de convertir notre regard sur la nature que d’être converti par elle? Si oui, quelles en seraient les modalités? Dans cette perspective, quels sont les apports de la metanoia chrétienne par rapport à la metanoia platonicienne? À travers l’expérience de saint François d’Assise et celle des Pères grecs, l’auteur s’efforce d’apporter des réponses en empruntant la méthode phénoménologique pour décrire ces expériences existentielles. En quoi les spiritualités sont-elles aujourd’hui incontournables pour penser la conversion écologique non seulement comme un changement de paradigme intellectuel mais comme une conversion des corps et des cœurs?

La dernière partie, plus spécifiquement consacrée à l’écologie contemporaine, s’appuie sur les modalités de la conversion écologique esquissées avec les penseurs grecs et chrétiens pour penser une transformation profonde de notre «affect du monde». En s’appuyant sur les notions merleau-pontiennes de «chair du monde» et de «monde brut», l’auteur cherche à penser une «empathie universelle» comme socle d’une nouvelle éthique environnementale. À travers une relecture merleau-pontienne de deux grands courants de l’écologie que sont la wilderness (la « nature vierge ») et l’écologie profonde (deep ecology), l’auteur jette les bases d’une ontologie relationnelle dans deux directions. La première envisage la conversion écologique comme un approfondissement du Soi. Dans le sentiment de la wilderness, c’est autant la nature vierge à l’extérieur de nous que le «monde brut» au plus intime de nous-mêmes, qu’il s’agit de préserver pour ouvrir la voie à une expérience transformante du monde telle que la décrit Henri-David Thoreau dans Walden ou la vie dans les bois. La seconde vise un élargissement du Soi par lequel la réalisation de Soi devient indissociable, par un mouvement d’identification, de celle de notre environnement, jusqu’à faire l’expérience charnelle de ce «Soi écologique» dont nous parle Arne Naess en écho à la «chair du monde» merleau-pontienne. C’est à partir de ce double mouvement, d’élargissement et d’approfondissement du Soi, que la réflexion de l’auteur peut déboucher sur une écologie de la résonance explorant la relation à notre environnement à la fois dans sa dimension cosmique et dans sa réalité la plus intime. Contre toute «dictature écologique», l’écologie de la résonance fait de la réalisation de soi le moteur de la conversion écologique!

Conscient des limites de la pensée occidentale pour cheminer vers cette non-dualité, clef d’une empathie universelle, l’auteur montre, dans la dernière partie de son analyse, l’influence de la pensée bouddhique sur l’écologie profonde et explore une spiritualité de la résonance avec le bouddhisme zen japonais incarné dans la figure de Maître Dogen. En ralentissant le rythme de nos existences et de l’économie, la crise du Covid-19 a créé un espace pour favoriser l’expérience de cette résonance. Mais comment faire de ces expériences individuelles le moteur d’une transformation collective des comportements? Tel est peut-être l’horizon sur lequel ouvre cette réflexion…

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