C’est au tour de Wim Wenders de faire son retour à Cannes, là où il y a bientôt quarante ans il remportait la palme avec Paris, Texas des mains de Faye Dunaway. Cette année, avec Perfect Days, le réalisateur allemand de 77 ans nous invite au Japon pour un film qui fait la part belle au contentement.

Hirayama travaille à l’entretien des toilettes publiques de Tokyo. Il s’épanouit dans une vie simple, et un quotidien très structuré. Il entretient une passion pour la musique, les livres, et les arbres qu’il aime photographier. Son passé va ressurgir au gré de rencontres inattendues.

Perfect Days est une forme de contemplation philosophique sur le sens de la vie, la capacité à se satisfaire du minimum et d’y prendre plaisir.

C’est une ode à la grandeur d’âme qui s’exprime dans la performance centrale introvertie et profondément touchante d’un des piliers du cinéma japonais, Koji Yakusho dans le rôle d’Hirayama.

Cet homme est un solitaire, qui accomplit avec engagement et de façon très consciencieuse un métier peu reluisant. Il a ses habitudes et n’en déroge guère. Il parle peu, très peu, très très peu… la parole est précieuse, alors il la protège. Mais progressivement nous comprenons aussi qu’Hirayama est un esthète. il se détend dans un établissement de bains, mange dans divers bars où il écoute avec amusement les plaisanteries des clients, lit William Faulkner ou Patricia Highsmith et prend des photos de la nature qui l’entoure avec un vieil appareil photo à pellicule. Il cultive des plans d’arbres avec soin et se délecte du son de ses vieilles cassettes en écoutant Lou Reed, Otis Redding, Nina Simone, Van Morrison, Patti Smith ou les Rolling Stones.

On comprend aussi, par la venue soudaine d’une jeune nièce Niko (Arisa Nakano) qui a fuguée et qui apporte un peu d’inattendu dans sa routine, que cet homme vient d’une famille riche avec qui il a rompu pour des raisons qui nous restent inconnues. Il faudra, nous aussi, nous en contenter… Et puis il y a Mama (Sayuri Ishikawa), qui tient un bar. Elle chante magnifiquement bien, et ne semble pas insensible au charme d’Hirayama (et réciproquement). Mais Wenders joue simplement avec cette relation romantique sans la pousser plus loin. Le contentement est aussi là de rigueur.

Avec tout ce matériel, Wenders ose nous conduire ailleurs, sur des sentiers bien agréables. Il  nous entraîne dans une vraie poésie de l’image. Il se dirige à sa façon sur le registre d’une Naomie Kawase ou du Paterson de Jim Jarmusch. Perfect Days est ainsi un film très séduisant où la routine du quotidien se laisse surprendre par l’inattendu et ou le contentement ouvre à un sourire final de cet homme simple mais heureux.

Me reviennent à la mémoire, en quittant la salle obscure, ces mots lumineux de l’épitre de Paul aux Philippiens : « Je ne parle pas ainsi parce que je suis dans le besoin. J’ai en effet appris à me contenter toujours de ce que j’ai ».

Des paroles sans doute bien connues aussi de Wim Wenders, catholique par son éducation puis converti au luthéranisme sur le tard et qui ont pu l’inspirer.