Salgado soudain. Des hommes-fourmis dans une vallée d’ombre, une femme aux yeux de lassitude, un flux de foule entre les trains. Partout, la misère à foison, noire mais lumineuse, épouvantable mais belle. On pourrait déceler dans ces images une démarche chrétienne par excellence, une invite à voir la pauvreté comme une source de richesse. Pourtant, quelque chose nous freine. Admirable ? Pervers ? Ambivalent ? Sebastiao Salgado, photographe disparu le 23 mai dernier, fut sans aucun doute l’un des artistes les plus célébrés de son temps, mais, ces dernières années, il fut aussi contesté. La jalousie que provoque le succès ne saurait nous empêcher de nous interroger sur le sens d’une œuvre et surtout, de réfléchir à la façon dont un photographe peut provoquer l’émotion sans verser dans le racolage ou la démagogie. Trois photographes témoignent.

« Ce qui me plaît chez Salgado, c’est l’intensité du contraste entre le noir et le blanc, la manière dont il use du contre-jour et ses compositions quasiment christiques, nous explique Albert Huber. Il  […]