Combien de temps dure une séance de psychanalyse ? « Cela varie selon les pays, les écoles et les thérapeutes, explique Gérard Haddad, auteur de « A l’origine de la violence » (Salvator, 192 p. 18,80 €). Officiellement, les Freudiens recommandaient d’accueillir un patient durant cinquante minutes, pas une de plus, pas une de moins. C’est parce qu’il a critiqué et refusé une pratique qu’il jugeait formaliste que Lacan a été exclu de l’International Psychoanalytic Association. »

En introduisant de la souplesse, le célèbre psychanalyste a voulu casser les résistances des patients obsessionnels. Mais il a poussé les choses trop loin, marquant la fin d’une séance après quelques minutes, voire quelques secondes. Mais c’était chez lui très exceptionnel et jamais factice. « Malheureusement, certains de ceux qui se réclament de lui versent dans des excès qu’il n’aurait pas approuvés, regrette Gérard Haddad.  Il estimait que chaque thérapeute devait cultiver son style propre. Pour ma part et nombre de mes confrères – y compris des « orthodoxes » – agissent de la sorte, je reçois les gens pendant une demi-heure. Cela me paraît convenable et je n’ai pas l’envie de singer Lacan. »

L’autre question qui se pose concerne le fauteuil et le divan. Faut-il s’asseoir devant son thérapeute ? Ou bien s’allonger d’emblée ? Beaucoup pensent que le face-à-face distingue la psychothérapie de la psychanalyse, qui se pratique allongé sur un divan. « Dans toute analyse, il doit y avoir une première phase, d’entretiens préliminaires, au cours de laquelle on vérifie que la personne qui consulte a bel et bien besoin de suivre une thérapie, souligne Gérard Haddad. Ces entretiens préliminaires se font en face-à-face. Il est fondamental de pratiquer du « sur mesure ». Après quelques séances en face-à-face, on peut encourager le patient à s’allonger, mais là encore il ne doit pas y avoir de dogme. »

Aux plaisantins qui songent que, pendant que les patients racontent leur vie, les analystes somnolent ou feuillettent leur agenda, notre interlocuteur précise : « La notion d’écoute flottante a été inventée par Freud ; elle permet de rester vigilant, d’identifier les pensées, les termes importants que peut exprimer chaque patient. Si nous nous concentrions sur tous les mots prononcés, nous rentrerions dans le jeu de la personne qui s’exprime, et cela serait contre-productif. » Dans un même ordre d’idée, précisons que l’orthodoxie n’impose pas du tout le silence du psy – analyste ou thérapeute, à vous de choisir. « Le silence du praticien donne au patient plus de latitude pour déployer son discours, observe encore Gérard Haddad. Mais ce n’est pas un absolu. Lacan parlait, pas souvent, mais au bon moment. »

Bien évidemment, le travail du psychanalyste oblige le thérapeute à ne pas se croire tout puissant. « Lacan recommandait de commencer à pratiquer alors que l’on était encore en analyse, parce qu’il savait que recevoir des patients soulevait en chaque praticien des problèmes qu’il ou elle n’avait pas identifiés jusqu’alors, note Gérard Haddad. Dans le même temps, les analystes en formation rendent compte de leur travail à d’autres analystes chevronnés ; c’est ce que l’on appelle des analyses de contrôle qui se font en face-à-face. » On voit par là que le chemin parcouru par un patient n’est pas du tout laissé au hasard, contrairement à ce que croient certaines personnes.

Mille questions nous viennent encore. Mais le temps passe et voici déjà le moment de prendre congé. En souriant, Gérard Haddad, se souvient: « Freud lui-même estimait que l’on pouvait aider quelqu’un par une cure très brève et pas forcément sur un divan. Gustav Mahler a souffert de troubles conjugaux ; Freud lui a proposé de l’accompagner en promenade, pendant quatre heures, à Vienne. Et cela semble avoir suffi. »

(A suivre…)