L’entrée en guerre des États-Unis aux côtés de la France en avril 1917 est saluée avec un enthousiasme tout particulier par les protestants français. Certains en font même une interprétation providentialiste, y voyant une intervention directe de Dieu. Ainsi – dans la Revue chrétienne – John Viénot explique l’intervention américaine en soutenant que « l’action de Dieu sort tout à coup des nuages qui la cachaient aux hommes de ma génération ». Et cet enthousiasme se maintient : en juillet 1918 le pasteur Edmond Gounelle n’affirme-t-il pas – dans L’Évangéliste – que « dans son infinie bonté, Dieu nous envoie, du fond du ciel étoilé, cet ange : les États-Unis » ?

Plus que la victoire

Cette réaction s’explique de plusieurs façons. Tout d’abord, au début de l’année 1917, la guerre, terriblement longue, terriblement meurtrière, se poursuit et nombreux sont ceux qui se demandent quand elle prendra fin.

Or il est clair que l’entrée en guerre des États-Unis ne peut manquer d’apporter – à terme – une aide militaire qui peut se révéler décisive. Certes, mais la satisfaction dont les protestants font preuve va bien au-delà. Elle est surtout fondée sur des considérations morales et religieuses.

Pour justifier leur participation à cette entreprise homicide qu’est la guerre, ils ont développé l’idée que l’Allemagne a apostasié en se faisant la championne de l’oppression des peuples. Et que c’est pour défendre le christianisme qu’ils font la guerre puisque l’Allemagne, théoriquement protestante, a basculé dans un paganisme adorateur de la force.

Ils sont donc très satisfaits, et confortés, par le message du président Wilson demandant au Congrès de déclarer la guerre à l’Allemagne car ce dernier n’y met en avant que des considérations morales et religieuses.

Cela conduit Paul Doumergue à affirmer dans Le Christianisme du 19 avril 1917 que ce message est « pénétré d’esprit religieux jusqu’à la moelle » et à soutenir que c’est parce qu’il est un calviniste intransigeant que Wilson agit de la sorte. Forts de cette analyse, les journaux protestants proposent ensuite à leurs lecteurs une image très favorable des États-Unis.

Les Églises protestantes prennent une série d’initiatives, envoyant notamment des pasteurs et des laïcs en vue de conforter les liens entre les deux pays ; et les journaux publient leurs impressions. Or l’image qu’ils donnent de l’Amérique est particulièrement flatteuse : ils décrivent un peu l’antithèse, à la fois de ce qu’ils reprochent à l’Allemagne (de dénaturer, et même de renier, le protestantisme et donc le christianisme) et de ce qu’ils reprochent à ce pays catholique qu’est la France.

L’idée d’une « laïcité protestante »

Ces journaux montrent donc un pays où les protestants sont très largement majoritaires, et pratiquants dans une forte proportion, mais aussi un pays où la religion tient une place fondamentale dans la société et la vie publique. Ils sont particulièrement frappés par la pratique américaine de la laïcité car elle correspond à […]