Alors qu’il n’est plus que l’ombre du guerrier qu’il était en Indochine, le colonel Paul Andreas Breitner se voit contraint de traverser une Algérie en guerre, à la recherche du colonel Simon Delignières, porté disparu dans les Aurès Nemencha, une véritable poudrière aux mains des rebelles.

Premier long métrage d’Abdel Raouf Dafri, jusqu’alors connu comme l’un des meilleurs scénaristes français, avec notamment les deux volets MesrineUn prophète et les saisons de la série TV Braquo, qu’Un sang impur ne fait pas dans la facilité. Le français d’origine algérienne, choisit de « s’attaquer » à un sujet toujours extrêmement sensible et au cœur de ses propres racines mais aussi de notre histoire commune, cette horrible guerre d’indépendance, en livrant un film coup de poing, véritable uppercut sec et rude. Violence incontournable des images et du climat général qui témoigne de l’effroyable sauvagerie dont firent preuve les deux camps (la double version de l’affiche proposée allant aussi dans ce sens). Car c’est sur ce point précis que se fonde le scénario… pas de bons et de méchants… nul manichéisme nécessaire… mais la folie humaine dans toute sa laideur extrême… un exposé de ce que la guerre peut produire dans nos faibles entrailles mais d’où surgit (parfois) quelques rayons de lumière et d’amour.

Pas de temps morts chez Dafri, surtout avec un tel sujet. Et c’est ainsi que le baptême est sévère quand on s’immerge dans l’obscurité de la salle et que la lumière jaillit sur l’écran. L’ouverture donne le la. Le ton est donné et l’on comprend où l’on va… Ce sont alors des personnages qui se dessinent, avec des contours et des traits très différents les uns des autres, mais tous marqués par des fêlures de la vie qui les conduisent là où il en sont à l’instant précis. Car Qu’un sang impur est un film on ne peut plus humaniste. Il se fixe sur des êtres et non sur l’Histoire… sur des histoires et non sur une Théorie. Et ainsi, au travers de ces visages, c’est une identité de la France qui apparaît aussi. Le réalisateur explique à ce sujet : « Le personnage principal est un Belge flamand devenu français par le sang versé. Il y a une Mong issue d’un peuple rejeté par les Vietnamiens et les Chinois, et qui a choisi la France lors de la guerre d’Indochine. Avant d’être abandonnée à son sort ensuite. Et puis, je tenais à la figure du soldat sénégalais, car ce sont eux qu’on a forcés à tirer sur la foule à Sétif. C’est de là que vient une certaine négrophobie en Algérie. Diviser pour mieux régner, la bonne vieille méthode française. Dans le groupe, il y a aussi un « Gaulois » et une jeune fellagha. Qu’un sang impur interroge sur l’identité française. C’est une question perpétuelle. »

Alors justement, évoquons ceux et celles qui sont là derrière ces personnages. Pas de véritables têtes d’affiche ici (il semblerait que le scénario ait fait peur)… mais finalement un casting excellent qui convient parfaitement. Pour en citer quelques-uns, il y a le charismatique Johan Heldenbergh qui offre au colonel Breitner, ce fameux Belge devenu français, rigueur et désabusement forgés dans ses traumatismes indochinois. Magnifique prestation de la toujours efficace Lyna Khoudri, dans un rôle bien éloigné de celui de Papicha. Et puis la classe de Steve Tientcheu, la justesse de Pierre Lottin dans un rôle compliqué et torturé, la présence hyper efficace de l’actrice franco-vietnamienne Linh-Dan Pham et l’impressionnante démonstration d’Olivier Gourmet marquant d’autorité.

C’est aussi au travers d’une splendide photographie signée Michel Amathieu, d’une mise en scène soignée et d’une BO, à la fois belle et grave, composée par Eric Neveux, que se crée cette atmosphère pesante et glaciale, traits caractéristiques de ce film. Il pourrait d’ailleurs reprendre le bon vieux slogan d’un mag parisien… choc des images très souvent mais percussion redoutable des répliques prononcées. Pour exemple : « La France est comme une femme au visage plein de rougeurs, elle met sans cesse du fond de teint pour les cacher ». Des dialogues qui vous assoient bien souvent dans le fond de votre fauteuil… 

On ne sort pas indemne d’un tel film me disait une collègue journaliste en sortant de la projection presse… C’est peut-être précisément pour cela qu’Un sang impur est incontournable même si ça fait mal.