Éric Mension-Rigau nous livre là un nouvel ouvrage sur un thème original : peut-on rester fidèle à ses valeurs identitaires ancestrales dans le monde de l’entreprise d’aujourd’hui ? La réponse est contenue dans les quatre-vingts entretiens (dont la liste est donnée en annexe) que l’auteur a eus avec des personnalités qui se réclament d’une appartenance aristocratique et qui représentent pour la plupart une magnifique réussite entrepreneuriale.

La noblesse est fondée sur la naissance, et en France par ascendance masculine. Or la réussite dans le monde de l’économie est due à la méritocratie, au travail, pas à la naissance. Et Éric Mension-Rigau insiste : l’oisiveté et l’incompétence mènent au déclassement. Seule une élite parvient à la réussite tout en ne perdant pas son héritage moral.

La question de fond qui est posée à ces quatre-vingts winners est : la noblesse dont vous vous réclamez peut-elle à la fois garder sa spécificité, son socle de valeurs, et s’adapter à la société contemporaine ? N’y a-t-il pas parfois un conflit de valeurs notamment sur la place de l’argent ? Le titre même du livre suppose que la noblesse existe encore ; alors qu’est-ce qu’être noble, comment le reconnaît-on, puisque la reconnaissance juridique de la noblesse a été définitivement supprimée depuis 1848 ?  En six chapitres, s’appuyant sur des exemples concrets, l’auteur va répondre. Rappelons que l’Association d’entraide de la noblesse française, fondée en 1932, et garante de son authenticité, est forte de 6000 membres. Ce que l’on remarque en premier, c’est le nom, le plus souvent à particule, même si l’on sait que de « faux nobles » arborent une particule !

Le nom, c’est une marque, surtout s’il se réfère à de grands ancêtres qui ont marqué l’histoire. Le souvenir des grands ancêtres est une fierté familiale. Il faut alors se montrer à leur hauteur et viser l’excellence, et cela dès l’enfance. Mais une éducation traditionnelle prépare -t-elle à être un winner ? On peut retrouver là le conflit de valeurs sur la place de l’argent considéré comme un étalon de la réussite, alors que l’on n’en parlait guère dans la noblesse catholique. Le monde de l’entreprise, dans sa logique de rentabilité percute un monde aristocratique pour qui les valeurs morales l’emportent. Mais ces valeurs, disent les interviewés, imposent des lignes rouges à ne pas franchir.

Cependant, le nom, surtout s’il est prestigieux, peut être une publicité (de luxe !) pour la société qui a recruté son porteur.  La profondeur temporelle qu’exprime un nom aristocratique éveille la curiosité et rassure comme une garantie d’honnêteté. Mais pour être efficace, il doit être assorti du talent et du travail. Cette transmission des valeurs (sociales et morales) se double souvent de la transmission d’un patrimoine immobilier, d’un château dont l’entretien peut être fort lourd, mais que l’on s’efforce de […]