Une histoire sans doute dérangeante mais extrêmement pertinente qui permet de nous rappeler le danger d’une montée des extrêmes d’aujourd’hui un peu près partout dans le monde. Encore une série de grande qualité émanant de la BBC… A voir depuis le 7 février sur Canal + et en intégralité sur MyCanal.

En 1962, Vivien (Agnes O’Casey), une jeune coiffeuse juive de la banlieue de Manchester, quitte tout pour partir à Londres à la recherche de son petit ami disparu, Jack Morris (Tom Varey). Par conviction et par amour, confrontée à la montée du mouvement fasciste en Grande-Bretagne, la jeune femme épouse la cause des activistes antinazis. 

Une chambre ensoleillée dans une maison de campagne du Kent. Une adorable petite tignasse aide une jeune femme blonde à faire le lit. Ils sont rejoints par l’homme élégant de la maison. Ils se rassemblent devant la fenêtre et font un salut nazi en souriant. C’est ainsi que commence Ridley Road, l’adaptation en quatre épisodes de 52 minute par Sarah Solemani du roman éponyme de Jo Bloom, paru en 2014. C’est une ouverture saisissante, d’autant plus que l’histoire qui va se dérouler, nous dit-on, est inspirée de faits réels. Certains téléspectateurs pourraient penser que les événements décrits dans l’histoire sont trop invraisemblables pour être vrais. Pourtant, Ridley Road est bien basé sur le témoignage de personnes réelles qui ont mis leur vie et leur sécurité en danger face à la menace du mouvement néonazi national-socialiste britannique. Car, dans l’Angleterre des années 60, parallèlement à ce que l’on appellera le « Swinging London » pour rendre compte de la vitalité culturelle de Londres dans ces années, devenue une capitale de la culture pop et de la mode, une forte montée d’un néofascisme exalté a bel et bien eu lieu, lorsque les lambeaux lugubres de l’Union Movement d’Oswald Mosley, et le British National party qui deviendra le National Front, ont été complétés par le National Socialist Movement dirigé par un homme appelé Colin Jordan. C’est lui, cet homme élégant, interprété par Rory Kinnear, que nous voyons dans Ridley Road. Ce nom, c’est celui d’une rue du nord-est de Londres dans un quartier qui était autrefois principalement habité par la communauté juive (et abrite encore aujourd’hui une communauté juive orthodoxe). Elle abritait le quartier général du groupe juif connu sous l’appellation Groupe 62, qui a mené une action offensive militante contre le NSM. Leur confrontation la plus célèbre a eu lieu à Trafalgar Square en 1962, lorsque Jordan – protégé par la loi sur la liberté d’expression – a organisé un rassemblement antisémite au cours duquel une émeute a éclaté entre les participants et les manifestants. L’histoire racontée par Ridley Road se déroule du point de vue de cette femme blonde que nous apercevons au début du premier épisode, la fictive Vivien Epstein.

La série est soutenue par les performances solides de son talentueux casting, composé de noms connus comme Rory Kinnear, Eddie Marsan, Samantha Spiro ou Rita Tushingham, mais aussi de nouveaux venus. C’est d’ailleurs justement un coup de maître d’avoir choisi Agnes O’Casey pour porter cette mini-série sur ses épaules. À seulement 25 ans, elle se retrouve là dans le premier rôle de sa carrière, pour incarner Vivien, cette gentille fille juive de Manchester dont l’évolution vers l’antifascisme est décrite de manière assez incroyable. Agnès tient son rôle principal, décrivant fidèlement la vulnérabilité et la force de son personnage. N’hésitant pas à utiliser son regard innocent et sa beauté pour les amadouer, Vivien est pleine de ressources et n’hésite pas à prendre des risques pour entrer de plus en plus dans la vie de Colin Jordan, pour s’attirer ses bonnes grâces et s’immiscer dans les affaires du parti. Transformée en véritable espionne, elle sera prête à tout pour mettre la main sur une valise de documents susceptibles de mettre hors d’état de nuire Colin Jordan et sa femme, Françoise Dior, nièce du couturier (Elle avait rompu avec le royalisme, et fondé la section française de la World Union of National Socialists (WUNS), une association néonazie internationale). Le rythme imposé par la réalisatrice Lisa Mulcahy est haletant avec des rebondissements réguliers, les dialogues sont tout à fait crédibles, et même la partition, signée Ben Onono, est excellente.

Ridley Road, à la façon d’un thriller sentimental, parvient à capturer admirablement la peur qu’éprouvaient les Juifs dans cette période à l’idée d’être la cible des antisémites et des fascistes, une situation à laquelle beaucoup peuvent hélas encore s’identifier de nos jours. Il est en effet impossible de ne pas établir de parallèles entre une partie de la rhétorique que nous entendons dans la série et les tensions qui montent encore aujourd’hui avec le populisme, et notamment pour nous en France dans cette période pré-électorale. Une raison supplémentaire pour ne pas manquer cette série.