La première grande et belle idée de cette histoire est de nous faire avancer au travers de la narration du petit Jack, cet enfant qui fête ses cinq ans avec sa maman, dans ces quelques mètres carrés qui forment l’unique univers qu’il connaît. Une vraie tendresse et naïveté troublante se dégagent naturellement de cet enfant. Et à cela s’ajoute un parti pris de ne pas faire de sensationnalisme, de ne pas aborder le fait divers sous forme d’enquête policière à rebondissements, d’ignorer presque le tortionnaire avec grande habilité scénaristique. C’est un quotidien simple et terrible à la fois qui nous permet de découvrir la situation et de nous laisser tranquillement émouvoir, sans besoin de surcharger grossièrement.

La deuxième qualité du film est la construction en deux temps. Sans trop dévoiler de choses, on peut parler d’un avant et d’un après… Deux actes d’une heure chacun qui nous font entrer plus encore dans la psychologie des personnages. Le monde s’élargit, devient presque infini. Mais qu’en est-il de l’enfermement vécu, de la capacité à se libérer, de vivre une forme de résilience ? Des moments extrêmement poignants nous sont alors offerts. Un repas familial où le grand père ne peut regarder son petit-fils… un retour dans la pièce… la bêtise d’une journaliste et ses conséquences… une conversation téléphonique entre la mère et son fils…

Tout est réglé à merveille par le réalisateur Lenny Abrahamson, tant dans la manière de filmer ou d’utiliser sobrement la musique, pour laisser plus qu’une performance d’acteurs éclater devant nos yeux à la fois émerveillés, touchés et parfois mouillés. Une performance d’acteurs au pluriel car si la jeune comédienne de 26 ans, Brie Larson (déjà repérée et primée pour son rôle de directrice d’un centre pour adolescents en difficulté dans « States of Grace » il y a trois ans) est absolument prodigieuse – ce qui lui a valu la statuette hollywoodienne tant convoitée – c’est encore plus le jeune Jacob Tremblay, âgé de 8 ans au moment du tournage, qui émerveille de justesse et d’intensité. Ce duo brille d’une force d’incarnation étonnante qui finalement nous cloue dans notre fauteuil et nous remue les trippes puissamment.

Enfin, il y a des films qui déclenchent des émotions et puis qu’on oublie vite aussi… Room n’en fait pas partie. L’effet est là mais il se prolonge, il s’intensifie, il nous fait réfléchir. Au-delà de l’histoire même, beaucoup de sujets sont abordés discrètement et apparaissent petit à petit ou ressurgissent en y pensant… des questionnements sur l’être humain, la famille, la complexité de notre monde, de nos relations, sur la force de l’espérance ou sur nos enfermements, nos prisons mentales.

Alors courez-y, laissez-vous enfermer… et croyez moi, vous en sortirez plus libre encore !