Jeudi dernier, Arte diffusait les trois premiers épisodes de Sacha, une mini-série policière helvétique, et les trois suivants le seront jeudi prochain. Mais tous sont d’ores et déjà entièrement visible sur Arte.tv. Une œuvre coup de poing qui aborde nombre d’enjeux sociétaux et politiques, de plus remarquablement interprétée, avec notamment la comédienne Sophie Broustal dans le rôle principal, qui donne une dimension émotionnelle et juste à son personnage, tout à fait exceptionnelle.
Anne Dupraz, procureure respectée et redoutée, est en garde à vue pour avoir tiré sur un homme, à présent entre la vie et la mort. Elle reconnaît sa culpabilité mais semble incapable d’expliquer son geste. La situation est exceptionnelle. La plupart des procureurs connaissant bien Anne, on fait appel à Carla Meier, originaire de Suisse-allemande, arrivée récemment à Genève. L’affaire est d’autant plus trouble que l’homme sur lequel Anne a tiré était une personnalité interlope fréquentant le monde de la nuit et de la prostitution. Pour comprendre comment Anne n’a pas hésité à sacrifier sa carrière et sa liberté pour tirer sur cet homme, Carla Meier devra dénouer les fils du passé. En interrogeant tous les protagonistes de cette affaire, le temps d’une garde à vue, Carla et ses collègues vont peu à peu percer à jour le secret qu’Anne aurait préféré taire à jamais. C’est son histoire que la série révèlera. L’histoire d’une libération, celle de la parole.
Sacha, c’est six épisodes pour raconter un destin de femme et chercher à comprendre ses motivations face à son passé qui ressurgit soudainement et violemment. En adaptant l’autobiographie de Nicole Castioni, ancienne juge assesseur au Tribunal criminel de Genève et ancienne députée au Grand Conseil genevois, qui a d’ailleurs participé à l’écriture du scénario, la réalisatrice Léa Fazer donne une intensité dramatique de tous les instants à ses épisodes avec un final bouleversant.
Dans Le Soleil au bout de la nuit, paru en 1998, Nicole Castioni y évoquait, sans filtre, les abus sexuels subis pendant son enfance et ses années de prostitution forcée à Paris. Dans la série, les choses se passent quelque peu différemment en prenant un caractère de thriller psychologique, mais cette approche donne l’occasion d’évoquer plus largement des faits de société comme rarement : violences sexuelles, violences psychologiques, incestes, maltraitances conjugales, traite des êtres humains par de véritables mafias organisées. Pour l’actrice Sophie Broustal il y a là « l’espoir que ce genre de récit permette de faire évoluer les choses, de provoquer des débats ou des réflexions, de lever des tabous, de libérer la parole ».
L’histoire nous est racontée au travers d’interrogatoires qui permettent des flash-backs au fil des épisodes, remontant ainsi le passé de cette femme qui semble refuser d’expliquer son geste aux enquêteurs, ainsi qu’à sa fille. En parallèle l’enquête progresse, par la police tout d’abord sur le terrain évidemment mais aussi par la protagoniste qui devra fouiller dans ses souvenirs traumatiques liés à sa prostitution, et à cet homme qu’elle a abattu. La mise en scène est franchement impeccable avec de jolies idées comme le choix de personnifier les Anne de son passé et de les faire échanger avec celle qu’elle est aujourd’hui. Pas de lourdeurs, ou de pathos, mais un juste équilibre entre le suspense de l’enquête et la tragédie humaine racontée. Le tout porté par des comédiens qui font parfaitement le job : D’abord bien sûr Sophie Broustal, qui illumine l’écran, mais aussi par exemple les deux procureurs adjoints chargés du dossier, les inspecteurs, et la famille d’Anne.
Arte nous prouve encore ici sa grande qualité de programmation en nous offrant une série de qualité divertissante certes, mais surtout utile et porteuse de sens.