Mike Flanagan est incontestablement l’un des maîtres modernes de l’horreur sur les écrans. Et quiconque a déjà vu ses adaptations glaçantes et émouvantes des deux classiques de la littérature que sont The Haunting of Hill House et The Haunting of Bly Manor en de très belles anthologies, sait déjà que les frayeurs terrifiantes de Flanagan se mêlent à merveille au drame fascinant et à la psychologie de ses personnages.

Avec les sept épisodes de Sermons de minuit, le réalisateur apporte une dimension qui nous plonge au cœur d’une réflexion intense sur des fondamentaux de l’âme humaine. 

L’histoire commence par le retour de Riley Flynn (Zach Gilford) dans la petite communauté insulaire de Crockett Island après avoir passé des années en prison pour avoir tué quelqu’un en conduisant en état d’ivresse. Désabusé par son éducation chrétienne et se débattant avec l’idée de rédemption, Riley emménage avec ses parents et son petit frère et renoue avec sa petite amie d’enfance, Erin Greene (Kate Siegel), enceinte de huit mois, elle aussi récemment revenue sur l’île. Lorsqu’un nouveau prêtre, le père Paul (Hamish Linklater), arrive à son tour et prend la direction de l’Église catholique de Saint-Patrick, il semble déclencher une série d’événements étranges et étonnants aux proportions bibliques.

Comme beaucoup de films d’horreur contemporains et allégoriques, cette série raconte une histoire qui s’attache davantage à ses personnages et à ses thèmes qu’aux peurs et au gore. En fait, il serait difficile de trouver, dans le même genre, une autre série qui se déroule aussi patiemment. Sermons de minuit prend le temps d’installer ses personnages et son cadre avec finesse et profondeur, privilégiant les dialogues, la réflexion comme le ferait un film d’auteur. Et même après le grand final (avec des frissons garantis tout de même), les choses se reconcentrent à nouveau sur ce qui est principal tout au long du scénario, des thèmes comme la foi véritable, les dangers du fanatisme religieux, l’appât du surnaturel, la rédemption, la dépendance, la place de l’humanité dans le cosmos, le sens du sacrifice, le déclin des petites villes américaines (économiquement, physiquement et moralement) ou, plus largement encore, la famille, la vie et la mort. Avec Sermons de minuit, c’est un peu comme si vous entriez dans l’une de ces conversations intenses que vous pouvez avoir avec un proche au milieu de la nuit, après une fête ou quelque chose de ce genre. Un échange parfois déroutant qui parvient à creuser pourtant au plus profond ces interrogations métaphysiques sur la vie et la mort. Que se passe-t-il quand on meurt ? Qu’est-ce qui fait qu’une personne est bonne ? Les gens peuvent-ils vraiment avoir une seconde chance ? Existe-t-il un dieu, quel qu’il soit ? Croire, à quoi bon ? Quel est le sens de tout cela ? Alors, oui… forcément, une ou deux fois, la longueur de ces propos peut donner l’impression de se perdre dans les méandres d’on ne sait trop quoi précisément, mais dans l’ensemble, la prose de Flanagan n’a jamais été aussi émouvante et importante.

Un aspect qui mérite d’être souligné est que, même si la série explore le concept du fanatisme religieux et le danger qu’il peut représenter, l’histoire ne vilipende pas véritablement les croyances réelles de qui que ce soit. Au contraire même ! Sans dévoiler quoi que ce soit, il est intéressant de noter par exemple qu’après le dénouement final la prière demeure… la foi reste possible… que des cantiques peuvent encore monter vers Dieu… et que même au cœur du mal et même possédé par ce mal, l’amour véritable peut permettre de choisir et de tenir ferme quoi qu’il en coute.  Cela n’arrive pas très souvent (nous avons vu des « fous » religieux utilisés d’innombrables fois au cinéma), et il est donc agréable de voir une approche différente et beaucoup plus nuancée de ce que la foi peut signifier pour des personnes de toutes croyances, sans déformer tout ce qui religieux en quelque chose de manifestement insidieux.

Avec ce réalisateur, il y a aussi, enfin, quelque chose d’à la fois gothique et poétique dans la façon dont lui et son fidèle directeur de la photographie, Michael Fimognari, cadrent leurs plans et déplacent la caméra ; quelque chose dans l’écriture et les performances qui donne à chaque instant une puissance réflexive et un poids empreint de mélancolie qui vous captive. L’œuvre de Flanagan est véritablement envoûtante, au propre et au figuré… croyez-moi !