Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2025, Sound of Falling est le second long métrage de la réalisatrice allemande Mascha Schilinski. Ce film exigeant, poétique et captivant explore les traumatismes féminins à travers le temps, en suivant la vie de quatre jeunes femmes habitant une ferme en Allemagne, de la Première Guerre mondiale à nos jours.

Quatre jeunes filles à quatre époques différentes. Alma, Erika, Angelika et Lenka passent leur adolescence dans la même ferme, au nord de l’Allemagne. Alors que la maison se transforme au fil du siècle, les échos du passé résonnent entre ses murs. Malgré les années qui les séparent, leurs vies semblent se répondre.

À travers les histoires de ces quatre jeunes filles, le film tisse une toile complexe de douleurs, et de relations familiales tendues, suggérant que le traumatisme se transmet à travers les générations. Les quatre héroïnes, toutes liées à ce même lieu, traversent des expériences intimes de perte, d’isolement, de filiation rompue. La guerre, les non-dits familiaux, les violences ordinaires et la solitude marquent chacune d’elles, révélant un traumatisme féminin transmis en silence, de génération en génération.

Une esthétique sensorielle et poétique

La ferme devient un lieu de mémoire vivante, à la fois refuge et prison, où les blessures de l’âme sont à peine cicatrisées. Le film ne suit pas une narration linéaire mais tisse une trame sensorielle, portée par une esthétique visuelle intense et des compositions sonores organiques. Le spectateur n’en sort pas indemne. Avec une mise en scène riche en symboles et une esthétique visuelle inspirée de la photographie de Francesca Woodman, Sound of Falling utilise le son et l’image pour renforcer l’atmosphère de tension et de fatalité. Le film est dense en émotions, évoquant des souvenirs douloureux et des secrets enfouis, tout en laissant une place importante à l’interprétation du spectateur. Il ne faut d’ailleurs pas chercher forcément à tout comprendre mais se laisser imprégner tout simplement. Car ce n’est pas tant ce qui est montré que ce qui est retenu qui bouleverse.

Désir et mort : une tension souterraine

Deux thématiques majeures traversent le film : le désir – charnel, vital, relationnel – et la mort – omniprésente, diffuse, toujours proche. Le désir, ici, n’est jamais consumé sans conséquence. Il est aspiration à vivre, à aimer, à s’échapper. Mais il est aussi retenu, empêché, étouffé par des contextes familiaux ou sociaux pesants. Il se transforme en frustration, en repli, parfois en violence et en abus.

Quant à la mort, elle est à la fois événement et présence. Elle rôde dans les souvenirs, dans les silences, dans les murs de la maison. Trois des protagonistes fantasmeront leur propre mort, tandis qu’une quatrième mettra fin à ses jours. Certaines scènes évoquent même une forme de « mort symbolique » que les femmes vivent dans leur chair, quand leur parole est confisquée ou leur liberté réduite. Le film ne fait pas de la mort une fatalité, mais un appel à entendre ce qui doit être dit, à rompre les chaînes du passé pour permettre un avenir différent.

Œuvre ambitieuse, Sound of Falling interroge la manière dont les histoires personnelles et collectives se croisent, et comment les échos du passé continuent de résonner dans nos vies. Un film à la fois exigeant et profondément émouvant.