Ce film tourné au nez et à la barbe des liberticides barbus ne peut laisser indifférents ceux pour lesquels la liberté, quelle que soit la forme sous laquelle elle s’exprime, est une valeur absolue qui mérite tous les combats. Merci au jury de la Berlinale d’avoir couronné d’un ours d’or ce cinéaste iranien privé de faire des films, de sortir de son pays, de s’entretenir avec des journalistes sous peine d’un emprisonnement de 20 ans. Son crime ? Avoir soutenu des opposants au régime insensé de Mahmoud Ahmadinejad. Mais il serait réducteur d’imaginer que cette récompense est seulement politique. Elle reconnait aussi les grandes qualités d’un film tourné dans des conditions invraisemblables par un cinéaste de talent. Avec astuce, ironie et courage Jafar Panahi, pour contourner l’interdiction qui le frappe, a imaginé de poser trois petites caméras dans un taxi dont il s’improvise le chauffeur. Puisqu’il est privé de tourner en ville c’est donc la ville qui va entrer dans son petit habitacle.
A l’instar d’Abbas Kiarostami, dont il fut l’assistant, Panahi utilise le même dispositif que dans Ten (2002) mais de manière antithétique, dans une version drôle et ironique. Comme son ainé il aime le documentaire fiction dans lequel la réalité et la fiction se mêlent habilement. Ceux qui entrent dans son taxi sont-ils des amis acteurs, des vrais passants ? On pourrait hésiter. C’est la première hypothèse la plus juste. Cela ajoute un grain de sel supplémentaire à ce qui se présente, sous couvert de bonhommie souriante, et presque indulgente, comme une critique féroce du régime et de la situation qui lui est imposée. […]