Le repérage du manque et l’inventaire des ignorances s’imposent à tout historien qui vise à la compréhension du passé et des hommes du passé. La lente acquisition des connaissances concernant la terre est l’objet de ce livre. Il implique l’étude du rythme des découvertes successives, des erreurs et des recherches, ainsi que la manière dont se sont constituées les disciplines scientifiques. D’autre part, l’auteur montre comment s’est répandue une meilleure connaissance de la terre. Tout au long de son parcours, A. Corbin insiste sur le feuilletage social des savoirs.
Son point de départ est l’ébranlement que le tremblement de terre de Lisbonne (1755) a provoqué dans les milieux des savants et des élites intellectuelles dans l’Europe des Lumières.
Pour la première fois, les Européens s’interrogent sur les causes d’un tel désastre, cherchent des explications et veulent en savoir plus sur la structure de la terre, et ceci en se dégageant nettement d’une lecture religieuse connectée à la Genèse et à la Bible.
C’est dans la seconde moitié du XVIIIe siècle que commence véritablement une approche scientifique des phénomènes observables dans le ciel, sur la terre, dans la mer. Des expéditions sont lancées pour explorer la surface terrestre et les zones blanches de la cartographie, et la nomenclature encore inscrite sur les cartes d’aujourd’hui conserve le souvenir de ces expéditions souvent désastreuses (Bering, Barentzs, Baffin…). Mais au siècle des Lumières, les Occidentaux comprenaient bien peu de choses au fonctionnement du monde et des phénomènes naturels. Les savoirs étaient limités à une minorité de personnalités cultivées et leur diffusion était des plus restreinte.
La deuxième partie du livre explore le lent recul des ignorances dans la première moitié du XIXe siècle. Le regard sur la terre change. Certaines disciplines (la glaciologie, la géologie, la paléontologie, la météorologie…) deviennent des spécialités. La terre acquiert une histoire, mal datée certes. Il y a des ignorances absolues, les pôles, les mécanismes volcaniques, les fonds […]