Le film est inspiré du livre éponyme de Danny Lyon (interprété dans le film par Mike Faist) – un journal composé de photos en noir et blanc du Chicago Outlaws Motorcycle Club et d’entretiens avec les motards.
Dans un bar de la ville, Kathy (Jodie Comer), jeune femme au tempérament bien trempé, croise Benny (Austin Butler), qui vient d’intégrer la bande de motards des Vandals, et tombe aussitôt sous son charme. À l’image du pays tout entier, le gang, dirigé par l’énigmatique Johnny (Tom Hardy), évolue peu à peu. Alors que les motards accueillaient tous ceux qui avaient du mal à trouver leur place dans la société, les Vandals deviennent une bande de voyous sans vergogne. Benny devra choisir entre Kathy et sa loyauté envers le gang.
Jeff Nichols, un réalisateur à la filmographie éclectique
Au cours de la dernière décennie, le réalisateur Jeff Nichols s’est imposé comme l’un des auteurs cinématographiques les plus talentueux du moment. Sa filmographie est éclectique, allant de la science-fiction (Take Shelter, Midnight Special) au thriller (l’admirable Mud) en passant par le drame d’époque à forte connotation raciale (Loving son dernier film en 2016).
Quel que soit le genre, sa signature est toujours évidente : des personnages profondément nuancés, un sens aigu du rythme, un ton méditatif et un style visuel « rétro » (il tourne principalement sur pellicule).
Et c’est précisément dans cette ambiance vintage que The Bikeriders, une œuvre enflammée et intelligente sur le milieu des gangs de bikers, porte des traces de Scorsese, Tarantino, Mann et d’une pléthore de cinéastes des années 1960 et 1970 en effectuant un remarquable travail de reconstitution d’une époque. Jeff Nichols y épluche les stéréotypes couche par couche, révélant les frustrations générationnelles, les luttes de classes, le besoin d’appartenance, les traumatismes des exclus, la masculinité toxique et l’inévitable chemin vers la violence lorsque les idéaux se transforment en cendres.
Des séquences à couper le souffle
Il agrémente son récit d’un grand nombre de séquences à couper le souffle, notamment un combat tendu entre Johnny et un homme deux fois plus grand que lui et une scène où le pied de Benny se brise en deux. Mais il n’oublie pas non plus d’imprégner les débats de son lyrisme caractéristique, principalement grâce au triangle amoureux central.
Les acteurs ajoutent la dose qu’il faut de cœur et d’humour à l’ensemble. Jodie Comer (l’héroïne de Killing Eve) prouve une fois de plus son talent avec une performance nuancée. Son personnage – « l’épouse » – est généralement malmené dans les films de ce genre, ne servant qu’à alimenter le protagoniste masculin. Mais le réalisateur en fait judicieusement le point central, et elle dégage un charisme incroyable.
Le traitement de l’histoire par Nichols rappelle ici un autre film de gangsters, Les Affranchis (1990) de Martin Scorsese, dans sa structure narrative et son utilisation de la voix off.
Mais au lieu que son protagoniste réfléchisse à ses expériences personnelles comme gangster ou, dans ce cas, en tant que motard, l’histoire est donc racontée par Kathy, une sorte de voix de la critique.
La raison et la passion
De son côté, Austin Butler joue un rôle qui, de l’aveu même du cinéaste, est plutôt une sorte de « vase vide ». Mais l’acteur offre en fait une performance faussement simple, qui nous permet d’entrevoir les courants profonds qui courent sous l’extérieur froid et stoïque. Il se veut clairement le représentant allégorique, tiraillé entre la raison (sa femme Kathy) et la passion (son chef Johnny). Tom Hardy, pour sa part, a rarement été aussi sombre dans le rôle du chef de meute Johnny, un roi de la route qui règne sur ses acolytes alcooliques et bagarreurs d’une main sévère mais bienveillante. Il est dans une possession totale de son rôle, volant les scènes avec une aisance absolue.
Jeff Nichols évite soigneusement de diaboliser ou d’exagérer le style de vie de ses protagonistes. Il dépeint les événements tels qu’il les imagine. C’est en tout cas un pan de l’histoire américaine qui nous raconté et c’est un magnifique film à consommer sans modération, où derrière le côté sauvage se dévoile une émouvante vulnérabilité.