The Chef, réalisé par Philip Barantini avec Stephen Graham et Vinette Robinson dans les deux principaux rôles est une véritable performance technique et artistique.
« Magic Friday » : le vendredi avant Noël, la soirée la plus fréquentée de l’année. Dans un restaurant gastronomique de Londres, côté cuisine, à quelques minutes du coup de feu, tout le personnel est en ébullition. Mais les problèmes s’accumulent autour du chef étoilé Andy Jones et de sa brigade. S’ajoute à cela la pression constante d’une clientèle toujours plus exigeante qui menace de mener le restaurant à sa perte…
C’est la claque de ce début d’année !
Une heure et trente-quatre minutes qui défilent comme un rien tant le film vous capte dès les premières secondes pour vous laisser KO au son du gong final. L’image d’un combat de boxe n’est pas qu’un effet d’écriture, mais la sensation vécue devant l’écran. Sans doute un peu dedans aussi, par le scénario lui-même tout d’abord, mais aussi pour les acteurs et l’équipe technique devant relever un véritable challenge technique. Pas le droit à l’erreur aux fourneaux (normalement) mais aussi dans tout ce qui devait permettre à The Chef de voir le jour.
Tourné en mars 2020 juste au moment où la Covid a explosé, en quelques jours de répétitions et une seule prise finale, puisque tout est filmé en plan séquence, on peut aisément imaginer le stress et l’engagement de chaque élément humain participant à cette performance cinématographique. Pour la petite histoire, deux jours après la fin du tournage, le pays était en confinement total…
Mais après tout, me direz-vous, la prouesse technique ne suffit pas pour faire un grand film ou un plat signature. Elle peut y apporter évidemment sa patte (ou sa pâte), produire un whaou comme le ferait un dressage créatif et audacieux, mais tous les autres ingrédients qui composent la recette doivent être au même niveau. Sinon, comme avec un soufflé qui tarde sur le comptoir et se prend une gamelle, le service et le premier coup de fourchette peuvent être très décevants.
Avec The Chef, Barantini réussi sur tous les plans, de A à Z. C’est d’abord le concept et l’histoire qui sont passionnants. Pénétrer dans une brigade de restaurant, suivre un chef étoilé, un soir où le restaurant est complet et tout ça en temps réel, en accompagnant aussi les serveurs aux tables, observer l’arrière cuisine, écouter les conversations intimes et comprendre que la vie n’est pas qu’ici mais qu’elle se continue aussi à la maison pour le chef comme pour chacun de ceux qui sont là… au travail.
En suivant le service, on se retrouve aussi dans la vie des clients, avec tout ce que monde peut compter de gens sympas, mais aussi de racistes, de parvenus, de mal-élevés, de jaloux…
Avec l’histoire, c’est le rythme qui est aussi incroyable. Tout s’enchaîne sans temps mort car, de toute façon, il n’existe pas ou peut être juste le temps de vider une poubelle dans l’arrière-cour avec un plongeur qui choisit de se la couler douce. Le stress ou cette tension qui monte crescendo inexorablement, elle vous prend dès la rentrée dans le restaurant. Car avant même qu’il n’ouvre, un élément narratif vous donne de comprendre que tout ne va pas bien dans le meilleur du restaurant. Ça craint… et la loi de Murphy ou de l’emmerdement maximum (pour être au goût du jour) n’est jamais loin. Elle a pu carrément s’installer dans les recoins de la cuisine ouverte. Car oui, ici aussi, c’est un point important… on suit la mode… celle de la cuisine à visage non masqué, c’est-à-dire en cuisine ouverte, où le moindre juron s’entend, où le spectateur n’est pas juste derrière l’écran mais aussi à sa table pour dîner, les cuisiniers et commis devenant des acteurs d’un show qui peut vite partir en cacahuètes et faire gravement mal si l’allergie se tapit dans un coin de la salle.
Et forcément encore, au cœur d’une telle recette, il y a inévitablement les comédiens. Mais qu’ils sont bons, mon Dieu !
Et surtout quel bonheur de regarder Stephen Graham qui m’avait déjà comblé dans la série Time et qui là est plus vrai que nature. On souffre avec lui, on sue à grosse goutte quand il décroche le téléphone ou quand il cherche à régler les imprévus. On le prend en compassion… et cela m’entraine sur le dernier point que j’aimerai évoquer comme quelques grains de fleur de sel que l’on parsème sur le plat, juste au moment de le servir. The Chef est sublimé par l’humain. Pas un en particulier, entendez-moi bien, mais par l’humain qui émane comme une bonne odeur de l’ensemble (même quand elle dégage le mauvais de l’individu). C’est un film qui sonne vrai, qui émeut sans le moindre pathos. C’est un film qui vous touche sans même toujours savoir pourquoi.
Voilà, je pourrai continuer encore et encore… mais parfois un bon repas n’en demande pas trop non plus. Et l’excès peut tout gâcher. Restons donc en là pour vous donner le bonheur à vous aussi de le découvrir, mais pour moi en tout cas The Chef mérite des étoiles !