My Canal nous régale avec une mini-série exceptionnelle avec Emily Blunt dans l’un des rôles principaux. Hugo Blick (The Shadow Line, The Honourable Woman, Rwanda, la couleur du sang, Black Earth Rising) y offre un regard magnifique et glorieux sur le vieil Ouest sauvage – une terre sans loi où personne ne semble pouvoir vous entendre hurler…
Nous sommes en 1890. À la recherche de l’homme qu’elle pense responsable de la mort de son fils, la Lady anglaise Cornelia Lock (Emily Blunt) se rend dans l’Ouest sauvage et mythique américain. Elle y rencontre Eli Whipp (Chaske Spencer) – un natif Pawnee, ancien éclaireur de la cavalerie de l’armée américaine – doublement déplacé par le vol de sa terre natale par les colons et par ce que son peuple considère comme sa trahison – avec lequel elle se lie ; ils partagent une histoire commune sur laquelle ils devront lever le voile.
Un voyage épique
Tous deux se lancent dans un voyage épique, rencontrant en chemin pléthore de personnages picaresques, une vraie galerie d’escrocs qui dressent des obstacles de plus en plus nombreux – et souvent macabres – sur leur route. À mesure qu’ils traversent les plaines à la recherche de leurs propres idées d’une paix à reconquérir, et que nous comprenions progressivement leurs histoires, la relation entre ces deux âmes perdues et harassées devient plus profonde et plus tendre d’une manière qui évite et transcende la simple romance. À la fin, elle est imprégnée de nostalgie, cette sensation rare et disparue dans un monde où rien n’est plus interdit, ce qui contribue à donner à The English son côté épique et grandiose. Ceci est sans doute accentué par une approche précise de l’esthétique et d’un certain langage cinématographique fait de paradoxes constants entre douceur et violence, entre lenteur et action, entre rudesse et élégance sur fond de punchlines philosophiques ou spirituelles.
Les codes du western revisités
C’est une formidable série du réalisateur britannique qui, pour reprendre les qualificatifs d’un article du magazine Première, « depuis maintenant 20 ans, produit, écrit et réalise ses propres projets, dans un élan de création presque mystique d’un homme qui sublime tout ce qu’il touche », et qui reformule les codes du western.
L’Ouest dépeint par Blick (ou, plus généralement, l’Amérique) est traité comme un pays presque maudit, où ceux qui y voient une terre promise, ou une terre d’opportunités, finissent soit corrompus par la cupidité et la violence, soit brisés.
Les gens en sont même conscients et savent que leurs espoirs sont anéantis dès qu’ils quittent leur pays. Blick a conçu un récit riche et texturé, raconté avec un dialogue clairsemé mais hautement percutant. Il explore des thèmes importants : le cycle destructeur de la violence et de la vengeance, la naissance de l’Amérique moderne et l’impact de l’impérialisme, de la colonisation et des classes sociales, des tiraillements que l’on ressent quand on est pris entre deux identités… C’est un récit initiatique à sa manière qui à partir d’un temps passé parle encore pour aujourd’hui.
Avec, de surcroît, un casting monumental qui porte l’histoire sur ses épaules. Je ne parle pas seulement du duo principal composé de Blunt et Spencer (Blunt est à son meilleur, nous offrant une femme rendue courageuse et inébranlable par sa détermination, alimentée par un secret dont la révélation tardive permet de recoller les morceaux de ce qui commençait à ressembler à une toile d’araignée), mais aussi des seconds rôles, avec Rafe Spall et Stephen Rhea entre autres, qui sont tout à fait remarquables.
Comment résister alors lorsque une série est si bien faite, offrant un paysage mythique dans lequel le bien combat le mal en entraînant le spectateur de plus en plus profondément dans le cœur des ténèbres ? Mais, au fait… pour quelle destination finale ? That is the question… comme disent les anglais.