Dévoilé lors de l’édition 2021 du Festival de Cannes, The French Dispatch est le dixième enchantement cinématographique signé du brillantissime réalisateur américain Wes Anderson. C’est un clin d’œil décalé à l’époque où la presse écrite régnait en maître, avec une forme d’hommage aux belles heures du New Yorker et à ses légions d’écrivains très influents, avec en prime l’amour d’Anderson pour la littérature, l’art et la musique.

Tout d’abord, place à une visite guidée à vélo des différents quartiers d’Ennui, avec Herbsaint Sazerac (Owen Wilson). La visite se fait grâce à une rafale de tableaux visuels poétiques et fantaisiste, façon Jacques Tati, avec des plans tout particulièrement étourdissants et inventifs. Mais ce n’est qu’un avant-goût de l’ingéniosité visuelle à venir, avec des arrêts sur image, des plans qui passent de la couleur au noir et blanc et vice-versa, en fonction de l’aspect qui sert le mieux au moment présent, ou l’usage tout à fait génial de l’animation rendant par là-même un vibrant hommage à Angoulême, capitale de la BD, où fut entièrement tourné The French Dispatch.

Vous le pressentez, j’imagine… le film est un hymne à la curiosité et aux petites histoires du quotidien – Anderson est manifestement épris de ce style de journalisme qui martèle des milliers de mots sur des sujets de niche. Mais il s’agit aussi de l’incomplétude nécessaire d’une vie curieuse. Les scribes de Howitzer sont tous loin de chez eux, « à la recherche de quelque chose qui leur manque, de quelque chose qu’ils ont laissé derrière eux », comme le dit Nescafier de façon douce-amère. Et au milieu de la fantaisie et de l’ironie luxuriante de son scénario, Anderson lance régulièrement de véritables petites grenades de perspicacité qui font mouche à tous les coups !
The French Dispatch est une œuvre tout à fait éblouissante à tout point de vue. C’est un bijou de maîtrise, avec un sens unique du découpage, du rythme, du cadrage et de la mise en scène. Mais Wes Anderson s’est une fois encore aussi entouré d’artistes redoutables, qu’il s’agisse de la merveilleuse bande orchestre du Maestro Alexandre Desplat, de la sublime photographie de M. Robert Yeoman, ou du travail quasi héroïque du chef monteur Andrew Weisblum. C’est un film qui se déguste tout simplement comme l’on se pose, dans un musée, devant un tableau de maître pour faire silence… regarder, observer, et se laisser toucher ou, plus simplement, comme on lit le plus beau des magazines assis dans un superbe et confortable fauteuil en cuir.
