Un film tout aussi émouvant que tous ceux que le réalisateur vétéran de 86 ans a réalisés, portant au plus haut les valeurs humaines qui lui sont fondamentales et qui peuvent se résumer avec ces trois mots qui s’inscriront comme une devise dans le film : Force, solidarité, résistance.

Le propriétaire d’un pub dans une communauté minière autrefois prospère se bat pour conserver son business. Pendant ce temps, la tension monte dans la ville lorsque des réfugiés syriens sont placés dans les maisons vides dans la communauté.

Générosité et solidarité pour reprendre espoir

Avec The Old Oak, le maître britannique incontesté du cinéma engagé, social, politique conclut une forme de trilogie commencée en 2016, avec Moi, Daniel Blake, qui laissait éclater sa révolte face au cynisme administratif toujours prêt à lapider les éléments les moins performants du système. Deux ans plus tard, Sorry We missed you, livrait une analyse sans concession des effets destructeurs du capitalisme sur les classes les plus modestes. Deux manières de relater le quotidien de personnes installées dans des territoires oubliés et prises au piège d’une société fragmentée, sans grand espoir de survie. Tournant cette fois le dos à la tragédie, Ken Loach focalise son attention sur la générosité et la solidarité qui animent encore et toujours cette population abandonnée des pouvoirs publics, sans toutefois tomber dans la facilité et nier les difficultés auxquelles elles doivent faire face.

Ken Loach construit son histoire autour de trois espaces que l’on pourrait qualifier de sacrés, ces lieux agissant sur les personnages de manière vitale. Une plage, tout d’abord, où Tommy Joe Ballantyne (Dave Turner), qui dirige le dernier pub du village, éponyme du titre du film, a rencontré le chien errant qui l’a empêché de se noyer. Son adoption ultérieure lui a donné un nouveau souffle, comme il l’expliquera dans un flash-back. Il y a également l’arrière-salle désaffectée du pub, que TJ acceptera de réouvrir comme lieu de restauration pour les réfugiés syriens nouvellement arrivés ainsi que pour les habitants appauvris de la région. Un territoire cependant contesté qui sera d’ailleurs le siège du meilleur comme du pire. Il y a enfin la cathédrale de Durham, où Yara (Ebla Mari), une réfugiée avec qui T.J. s’est lié d’amitié, est émue par l’atmosphère qui y règne. Elle n’éprouve cependant pas une forme d’épiphanie mais se trouve ravivée dans des souvenirs du carnage et de la destruction que l’État islamique a infligés à Palmyre.

Il faut aussi préciser que l’action se déroule dans le nord de l’Angleterre, en 2016, dans un village qui ne s’est jamais remis de la fermeture des mines dans les années 1980. Ce passé est un élément important dans la construction du film, car il aura une résonnance permanente pour l’histoire qui se déroule.

L’une des forces de Ken Loach, cette fois-ci encore, est de réussir à porter un message d’ensemble en s’intéressant à des parcours individuels. Il y a ainsi la rencontre de deux communautés différentes, et le film va devenir alors un témoignage de la force du collectif, de ce que la solidarité peut transformer, même quand tout semble perdu d’avance.

Le vivre ensemble

Mais le cinéaste britannique, avec cette empathie qui le caractérise, offre également un chœur de voix individuelles, incarnant leurs propres contradictions et nuances. Ces petits récits donnent de la chair à l’ensemble. Ils permettent de mieux comprendre les tenants et les aboutissants. Ils évitent aussi de tomber dans des clichés trop faciles sur le sujet ou dans un manichéisme qui gâcherait forcément le propos. Ken Loach explique à ce propos qu’« il n’y a pas de méchants absolus ici. Un sentiment d’injustice peut pousser les gens vers les extrêmes, mais leur comportement est toujours motivé par une certaine logique. Si on passe à côté de cette dimension, on appauvrit la dramaturgie. » Rien de tout cela donc, mais une bouleversante vague d’humanité qui vous inonde. J’aurais aussi envie de noter que, pour une fois, l’Église montre ici son plus beau visage. Elle n’est pas forcément au centre de tout, mais elle apporte sa pierre à l’édifice du vivre ensemble. Elle dit tout simplement Dieu et son amour inconditionnel pour le monde.

The Old Oak prône l’empathie, l’unité, la gentillesse inconditionnelle, le partage communautaire, la solidarité des gens ordinaires d’où qu’ils viennent… des idées pouvant sembler utopiques, mais qui apportent, vaille que vaille, des brèches d’espérances dans les murs que nos sociétés bâtissent si facilement pour séparer et exclure.

Alors merci Monsieur Loach, et sachez que, si The Old Oak est véritablement votre ultime film comme vous nous l’avez annoncé, alors we will miss you énormément !