Ce film est une libre adaptation du roman du même nom de l’écrivain Michael Punke, qui se centre sur l’histoire vraie d’un trappeur, Hugh Glass, éclaireur d’un groupe de trappeurs traqués par des Indiens. Il fait une très mauvaise rencontre qui va le laisser pour mort. Trahi par l’un de ses coéquipiers, Glass va, agonisant, s’accrocher aux seuls fils qui le maintiennent en vie, son amour pour sa femme et son enfant, et sa vengeance pour pouvoir entreprendre un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de celui qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption.
On peut être légitimement perplexe face à une surabondance outrancière d’éloges et de publicité lors de la sortie d’un blockbuster américain. À quelle sauce va-t-on encore être mangé ? Avec The Revenant, cet à-priori n’a tenu que quelques secondes, pour s’évaporer telle l’haleine froide du trappeur venant embuer la caméra, tant l’immersion dans l’aventure est rapide est puissante. Extrême, brutal et pourtant immensément beau… ces qualificatifs me semblent à la fois évidents et pourtant insuffisants. Inárritu nous plonge en effet au cœur d’une odyssée sauvage, une sorte d’expérience inouïe où tous les sens sont bouleversés, où le spectateur est pris aux tripes du début à la fin.
Pas de réels répits en fait, même si de longs moments de quiétude apparente nous sont offerts, mais chaque scène, chaque plan est d’une beauté picturale unique à couper le souffle. Cette dualité entre bestialité, combat, souffrance, hostilité d’un côté et perfection, calme, immensité d’une nature éblouissante de l’autre est un fondement de cette histoire. Même la tranquillité devient inquiétante finalement. Le tout magnifié techniquement par une exceptionnelle photographie, signée Emmanuel Lubezki , le chef-operateur à qui l’on doit notamment Birdman et Gravity, qui a fait le choix osé mais remarquable dans le contexte de l’histoire de ne recourir qu’à la lumière naturelle pour travailler. Cette traversée de l’enfer que vit Hugh Glass dans un décor de rêve se transforme au fil du temps en un regard sur la solitude, ainsi que sur l’endurance physique et psychologique de l’Homme. « Bats-toi jusqu’à ton dernier souffle… » « Respire, respire… » Ces mots émergent de la dévastation et deviennent un hymne à la vie.
Alejandro González Inárritu y ajoute cependant une puissante force spirituelle, venue transcender le motif de la vengeance et de l’amour. Sur sa route, dans son combat qu’il soit d’ailleurs intérieur ou extérieur, le divin s’immisce fait de rêves, de souvenirs, de rencontres. Il le ressuscite, le porte, l’apaise, le transforme… Et Inárritu semble s’en délecter en jouant avec la caméra et incorporant des plans allégoriques faits de grand angle, de contre plongée, à la Terrence Malick, pour amplifier la dimension spirituelle. En utilisant d’ailleurs le verbe ressusciter je pointe sans doute là une réelle thématique de The revenant. L’homme qui reprend vie, quittant la tombe qu’on lui a creusée, en s’enveloppant ensuite dans la peau et le corps de la bête morte et dépecée puis renaissant à nouveau. L’homme qui guérit de ses blessures en rêvant aux ruines d’une église où l’image d’un Christ crucifié rappelle les blessures de la Passion si ressemblantes à celles qui marquent son corps.
Enfin, impossible de ne pas évoquer les performances d’acteurs, et en particulier celle de Leonard DiCaprio et Tom Hardy. Pour DiCaprio tout spécialement, ici tellement loin de l’image hollywoodienne, beau gosse, lisse et souriant qui lui colle parfois à sa peau, et saisissant dans la force de son visage, de son regard et de ses silences. Il se prête ainsi parfaitement au choix du réalisateur de coller au plus prêt de l’action. On perçoit aisément alors toute sa colère, sa rage, sa tristesse, sa souffrance.
C’est vide et plein à la fois que je ressors finalement de cette séance, avec une profonde envie d’y retourner, de renouveler l’expérience cinématographique offerte. Et vous y inviter vous aussi, en ne manquant toutefois pas de mettre en garde les âmes les plus sensibles, l’interdiction au moins de 12 ans l’indiquant clairement (- de 17 non accompagnés même aux États-Unis).