Depuis le 29/11 sur Canal + et maintenant en replay sur la plateforme de la chaîne, Time, la dernière mini-série en quatre épisodes de 45 minutes du réalisateur britannique Jimmy McGovern (Cracker, Hillsborough, Accused…), nous fait entrer dans l’univers carcéral britannique. Une forme de plongée en enfer où le paradis malgré tout, dans une dimension restaurative cherche à s’immiscer et à changer des vies. Mon coup de cœur de cette fin d’année !

Time est une série extrêmement forte dans le fond et la forme. Elle met en valeur les performances éblouissantes de Sean Bean et Stephen Graham, dans les deux rôles principaux. Il en va de même d’ailleurs pour tous ceux qui jouent des rôles plus modestes, dont aucun n’est sous-écrit ou superficiel, et qui épaississent le drame pour en faire quelque chose de plus profondément émouvant et engagé à chaque instant.

Bean incarne Mark Cobden, un professeur d’anglais condamné à quatre ans de prison pour avoir conduit en état d’ivresse et tué accidentellement un cycliste. C’est un homme doux, plutôt timide, désemparé et profondément tourmenté par la culpabilité. Très vite, il se retrouve confronté à une tension quasi permanente. Même pendant le trajet entre le tribunal et la prison, dans le fourgon de la prison, la menace de violence devient présente. Ce climat ne s’estompe jamais. Nous sommes contraints d’y faire face, tout comme Mark. La prison, découvre-t-il rapidement, est un paysage infernal et brutal. Son premier compagnon de cellule résume les choses ainsi : « Tu entres ici mal et tu sors pire ».

Deux héros… et le second se trouve précisément en face, de l’autre côté du mur, ou des barreaux pour être plus juste, mais finalement lui aussi emprisonné. Stephen Graham joue le rôle d’Eric McNally, le gardien en chef de la prison. Un homme ferme, comme le soulignera Mark, mais aussi juste et apprécié de tous. Pour lui aussi se tapit le danger qui ne prend pas toujours les formes que l’on imagine… mais je préfère vous. Laisser découvrir par vous-même.

Narration puissante

Time c’est peut-être avant tout finalement une série où la narration est particulièrement puissante et totalement convaincante. Ici, l’expertise de McGovern à tricoter ensemble les personnages et l’action de façon à ce que chacun fasse constamment avancer l’autre est une vraie leçon que beaucoup de scénaristes de séries feraient bien d’étudier. La narration vous embarque dans les méandres psychologiques et systémiques des protagonistes, comme deux chemins parallèles qui régulièrement se croiseraient paradoxalement.

Dans l’enfer de leurs histoires s’immiscent des élans d’humanité qui passent par l’écoute de l’autre régulièrement, la capacité d’offrir une assistance et même d’aller au-delà pour apprendre à lire et écrire par exemple. C’est la rencontre et la parole offerte pour tenter de donner une chance à une justice restaurative d’alléger la douleur et de relever. C’est également une femme aumônier qui travaille sans relâche pour combler les lacunes du système et maintenir les hommes hors de l’eau par sa présence et son accompagnement jusque dans le deuil. McGovern dépeint enfin le personnel pénitentiaire comme des gens ordinaires qui essaient de faire un travail impossible aussi consciencieusement que possible.

Un récit qui nous dit aussi quelque chose sur le cœur de l’homme où la prison devient un lieu terrible d’expériences, là où chacun se retrouve testé comme jamais auparavant, dans un monde de règles, de règlements, d’intimidations mesquines et de violences soudaines, lieu d’alliances changeantes. On y trouve aussi la question de l’expiation et de la rédemption, avec la manière dont elles s’intègrent dans un régime punitif. Elle est traitée remarquablement bien, sans jeux de facilité ou d’excès de pathos.

Le premier épisode est inévitablement éprouvant, car Mark apprend quelle est sa place dans ce nouvel ordre, et ce qu’il lui faudra – en termes pratiques et mentaux – pour y survivre. Mais il est soigneusement calibré et il y a suffisamment de points lumineux pour que l’on ne se sente pas seul dans l’obscurité, pour ne pas sombrer dans un désespoir repoussant qui pourrait nous donner une excuse pour détourner le regard et s’en arrêter là. Et ce serait tellement dommage, car Time est une série à couper le souffle, d’une justesse impressionnante.