Ines, incarnée par la remarquable Sandra Hüller, travaille à Bucarest pour une société allemande au département qui s’occupe en particulier de « l’externalisation », c’est-à- dire d’implanter des unités de production dans des pays au coût de main d’œuvre moins élevé. Elle est très impliquée dans son travail qu’elle accomplit avec détermination et sérieux, sans état d’âme. Son père débarque chez elle à l’improviste. Il va l’aider, malgré elle, à retrouver un sens à sa vie, par des procédés très étonnants.
Maren Ade a réalisé une comédie d’une grande bouffonnerie, au comique irrésistible, même si elle fait intervenir des blagues aussi enfantines que le coussin péteur ou le faux dentier. Le public cannois a ri de bon cœur, a applaudi au milieu du film et lui a réservé une « standing ovation », ce qui mérite d’être souligné. Le secret de cette réussite est multiple. D’abord parce que ce père qui fait le bouffon, magnifiquement incarné par Peter Simonischek, n’est jamais ridicule avec ses blagues pataudes, mais d’une tendresse à fleur de peau qui ferait fondre plus d’une fille en mal de père. Ensuite parce que ce film traite, avec une drôlerie jubilatoire sur un fond de tristesse, des sujets sérieux comme le sens que l’on donne à sa vie lorsque le travail prend le pas sur tout le reste, le rôle que l’on a en participant à des délocalisations pour le plus grand profit d’entreprises multinationales mais au détriment de milliers de salariés, les rapports père-fille. Tout le sens du film se noue lorsque, à la question de son père « es-tu heureuse ? », Ines réalise qu’elle est incapable d’y répondre. […]