À Amiens, Thomas, pigiste au Courrier Picard, doit faire le portrait d’Usé, musicien atypique et ancien candidat à l’élection municipale. Tandis que les deux hommes apprennent à se connaître, ils découvrent, le corps inanimé de Jojo. Mais ce dernier ressuscite…

Tout fout le camp commence comme une sorte d’immersion, façon Strip-tease (l’émission tv), dans la vie d’un localier, ces journalistes attachés à une région ou à une zone géographique particulière.

Seul ou en équipe, il en couvre l’actualité, rend compte des événements et traite l’ensemble des faits qui se déroulent dans sa zone de diffusion. Ce localier travaille au Courrier Picard à Amiens, lui qui s’imaginait journaliste au Monde ou à Libé… Mais sa vie va soudainement basculer dans sa rencontre avec Usé dont il doit faire le portrait. Pour les 95 min du reste de l’histoire, je vous laisse découvrir par vous-même…

Lunaire, fantastique, rythmé, drôle (très drôle même), atypique, foutraque, barge… les qualificatifs sont nombreux à me venir en tête pour chercher à qualifier la typologie du film… mais c’est toute la dimension poétique et humaine qui finalement l’emporte et m’emporte avec dans un vrai sentiment de bien-être en sortant de la projection.

Betbeder nous offre avec Tout fout le camp ce que je considère être une grande fable contemporaine, c’est-à-dire (d’après Wiki) un récit d’aujourd’hui qui vise à donner de façon plaisante une leçon de vie… Alors oui, il y a de la folie chez Betbeder et dans ce magnifique casting. On pense à Kerven et Delepine, à Jaco van Dormael, à un Ruben Östlund à la française, à certaines comédies de Francis Veber… une scène de repas m’a même ramené aux Bronzés. Il y a de la folie et il y a surtout un esprit libre, de la punk attitude pourrait-on dire !

Car derrière tout le burlesque du scénario et son côté fantastique (flirtant parfois avec le film de genre), Tout fout le camp porte un vrai message politique que défend le réalisateur Sébastien Betbeder : « Au fur et à mesure du récit, plusieurs sujets de société sont abordés par le biais de la comédie mais sans détours :la trahison de la gauche, l’abandon des classes populaires, la droitisation des esprits, les violences policières. Le film fait référence explicitement à des personnalités ayant exercé ou exerçant aujourd’hui des responsabilités politiques de premiers plans, à leurs impasses, à leurs mensonges ; sans nihilisme mais avec une forme d’agacement que j’espère salutaire. Si le constat est sans ambiguïté, le film veut croire en la possibilité du changement, par le lien qui unit ceux qui résistent, par un engagement politique différent, par la pratique de l’art… ».

Plus on avance dans ce qui prend aussi la forme d’un road movie, l’arc narratif apparait et se développe. Il fait de plus en plus sens en développant la thématique de la marginalité. Il offre le cœur de l’histoire à ceux à côté de qui l’on passe généralement sans même se détourner. Et là surgit un hymne à un espoir possible dans le collectif, à l’altérité comme seul salut offert, et par là-même à la force de l’amitié (où nous faillissons aussi si souvent comme Thomas encore à la fin malgré, mais pas totalement).

Les personnages sont tous extrêmement attachants, dans l’écriture qui les fait être ce qu’ils sont mais aussi grâce aux magnifiques acteurs qui sont tous ici très très bons. Thomas Scimeca, alias Thomas, tout d’abord et bien évidemment, remarqué récemment dans le rôle d’Yvan, le complotiste dans la série Le Flambeau les aventuriers de Chupacabra, sur Canal +.

À ses côtés, le chanteur Nicolas Belvalette dit Usé (dans son propre rôle) – grande et belle découverte pour moi – qui a aussi composé une partie de la BO (dans laquelle s’ajoute une diversité étonnante de chansons remarquables). Et l’autre duo qui vient se greffer sur ce premier est aussi de toute beauté avec Marilou, jouée par la jeune et très prometteuse Léonie Dahan-Lamort (vue notamment dans la série Un si grand soleil) et Jonathan Capdevielle dans le rôle de Jojo, le gentil zombie qui meurt dès qu’il n’y a plus de regard posé sur lui, dès qu’il pressent l’éloignement de Thomas et la possibilité que le groupe se sépare…

Mais c’est encore beaucoup d’autres « second rôles », comme on dit, qui, tous, trouvent leurs justes places, parmi lesquels je ne peux m’empêcher d’évoquer le remarquable Jackie Berroyer, qu’il fait si bon de retrouver ici dans ce petit mais émouvant rôle de pépé.

Voilà, le principal est dit… maintenant c’est à vous de jouer finalement, en allant découvrir ce petit bijou décalé en salles et vous laisser embarquer dans cette aventure pas franchement comme les autres.