Rahim est en prison à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…
L’œuvre du cinéaste iranien Asghar Farhadi se caractérise par la construction d’histoires à plusieurs niveaux et sous-intrigues pour parvenir à aborder les différentes dérivations ou interprétations d’un même dilemme. Si l’obsession et l’infidélité furent les grands thèmes de ses deux précédents films, respectivement Le Client(2016) et Everybody Knows (2018), c’est maintenant au tour des notions de bonté et de mal d’être observées face à la vérité dans un contexte donné. C’est ici Shiraz, une ville iranienne où Rahim (Amir Jadidi) a été emprisonné pour n’avoir pu payer une dette qu’il a contractée pour une entreprise qui a fait faillite. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier, qui est aussi son ex-beau-frère, Bahram (Mohsen Tanabandeh), de retirer la dénonciation qui l’a mis derrière les barreaux. Cette idée est renforcée par un événement qui déclenche le drame proprement dit, lorsque la secrète nouvelle fiancée (Sahar Goldust) du protagoniste découvre un sac plein de pièces d’or. Au lieu de les vendre pour payer ce qui lui est dû, Rahim décide finalement de rechercher la femme qui a perdu ce sac pour lui rendre. Un tel acte de générosité est révélé au grand jour et notre héros gagne immédiatement les faveurs de la société, mais ces faveurs peuvent s’estomper aussi facilement (ou plutôt aléatoirement) qu’elles sont apparues. À quelques moments du scénario, il est fait allusion aux réseaux sociaux comme facteur déterminant dans la qualification d’un comportement comme bon ou mauvais, avec toutes les problématiques que cela évidemment implique, bien que Farhadi n’insiste pas trop sur cet aspect postmoderne, préférant conduire son histoire à travers des conflits plus traditionnels.

Un héros est clairement conçu comme une parabole sur des questions qui dépassent l’immédiateté de l’existence de ses personnages. L’intention de Farhadi semble être d’abord de questionner la notion même de « héros ». Le film s’ouvre ainsi sur la rencontre entre Rahim et le mari de sa sœur, Hossein (Alireza Jahandideh) chargé d’un projet d’entretien, sur la tombe de Xerxès Ier, roi bien-aimé de la Perse antique. Le fait que l’image des héros doive être entretenue par des équipes constitue l’une des observations fondamentales du film, qui met ensuite l’accent sur la façon dont les reportages et les médias sociaux s’emparent des petites déformations de l’histoire de Rahim qui commencent à s’accumuler. Et l’ascension et la descente de Rahim de l’échafaudage attenant à la tombe est l’un des rares moments presque purement métaphorique d’Un héros, prédisant son ascension et sa chute ultérieures. Mais ici, l’héroïsme est supplantée par la thématique de la vérité et de sa valeur sociale. Quels sont les mensonges justifiés, quelles sont les motivations qui les poussent et jusqu’où ils doivent aller ? Telles sont les questions éthiques que Farhadi illustre par une montée en tension incessante. Une forme de résolution de cette tension impliquera un éveil paternel centré sur le fils préadolescent de Rahim, qui a un grave contact pour défaut d’élocution. Dans les moments de conflit, la caméra de Farhadi se fait justement souvent un devoir de chercher les enfants dans la pièce, notant silencieusement que la génération suivante est témoin de tout cela et qu’elle devra à son tour naviguer sur un terrain moralement ambigu.
Un Héros est un film remarquable, qui passionnera tout ceux qui s’intéressent à l’épaisseur thématique d’un scénario. Maîtrise technique et de mise en scène, casting parfaitement juste, tout est là pour proposer une histoire profondément humaine sans facilité légère ni surenchère excessive.
