C’est dans l’un des endroits les plus froids de Chine, à la frontière nord-coréenne, dans une petite ville enneigée, qu’Anthony Chen déploie sa fiction intimiste inspirée de Jules et Jim de Truffaut (1962). Le réalisateur singapourien révélé à Cannes (Caméra d’or pour Ilo Ilo en 2013) y observe avec délicatesse les relations qui se nouent entre Haofeng, un financier dépressif venu de Shanghaï pour un mariage, Nana, une guide touristique insatisfaite, et Xiao, son ami cuisinier dans un restaurant coréen local et amant par intermittence. Après la mousson dans Wet Season (2019), les paysages glaciaux symbolisent dans Un hiver à Yanji les divers degrés d’affliction, d’aliénation, de frustration qui ont congelé les désirs de cette génération désenchantée.
En retenant Haofang, l’étranger de passage, le temps d’une soirée alcoolisée, Nana et Xiao brisent peu à peu la glace, révélant des larmes, des échecs, des blessures, un besoin de liberté. De virées nocturnes juvéniles tendance Nouvelle Vague au voyage dans les étendues sauvages et lumineuses des monts Changbai, la retenue flirte avec l’épanchement, la vie et la mort mènent bataille. Entre les […]