Un récit initiatique construit dans la délicatesse. A découvrir en salles mercredi 24 avril.

Ze a 17 ans et il est chaman. Il étudie dur pour réussir sa vie, tout en communiant avec l’esprit de ses ancêtres pour aider les membres de sa communauté à Oulan-Bator. Hélas, lorsque Ze rencontre la jeune Marla, son pouvoir vacille pour la première fois et une autre réalité apparaît.

Depuis une trentaine d’année, la Mongolie a connu un processus progressif de modernisation qui a inévitablement entraîné des changements significatifs dans ses systèmes politique, culturel, économique et éducatif. Une réponse pouvant sembler paradoxale a été une forme de revitalisation de la religion populaire, en particulier le Tengrisme, qui vénère notamment les phénomènes naturels.

Lorsqu’ils ont besoin de conseils spirituels, les Mongols consultent des chamans qui entrent en transe pour communiquer avec les divinités en leur nom.

Le premier film de Lkhagvadulam Purev-Ochir, délicatement composé, se concentre précisément sur le parcours d’un chaman adolescent dont la capacité à aider les autres est entravée par ses propres problèmes d’adolescence.

Ce récit de passage à l’âge adulte dans le contexte d’une société aujourd’hui majoritairement urbaine, mais qui conserve des liens étroits avec les traditions forgées par un mode de vie nomade, devient un formidable portrait d’un pays en transition.

Une modernité qui compose avec les traditions

Dans l’Oulan-Bator d’aujourd’hui, pendant l’hiver, le paysage joue un rôle important dans l’expression de réalités contrastées. Les juxtapositions sont nombreuses et efficaces : la ligne d’horizon grise de la ville et la périphérie naturelle accidentée ; un complexe d’appartements entouré de faux arbres et le quartier des yourtes situé en périphérie, où réside la famille de Ze. Purev-Ochir propose une visite où, là encore, le choc culturel se fait sentir, passant d’un monument marqué par l’ère communiste à un centre commercial de luxe.

Au cœur et en marge de cette métropole moderne, un lien fragile s’établit entre deux adolescents, représentants de la génération Z, en pleine expansion démographique dans ce pays jeune.

Gérer ses propres contradictions

La ville étant un curieux mélange de passé et de présent, l’errance urbaine sert alors de très belle toile de fond allégorique pour le jeune couple afin d’articuler ses propres contradictions : Ze croit profondément dans les fondements de sa spiritualité, mais il aime aussi faire du lèche-vitrine et rêve d’emménager dans un appartement moderne ; quant à la jeune femme, Marla, elle a moins d’estime pour les valeurs traditionnelles, mais est tout de même séduite par l’idée de vivre dans les prairies.

Comme c’est souvent le cas dans les films qui mettent l’accent sur l’éveil des adolescents, ils se retrouvent dans une boîte de nuit, mais la piste de danse éclairée par des stroboscopes ne devient pas l’espace attendu de la connexion transcendante. Ze n’est manifestement pas à sa place parmi la foule des fêtards, tandis que les rythmes froids et pulsés soulignent son abrutissement spirituel.

Dans le rôle principal (et premier rôle au cinéma) Tergel Bold-Erdene est extrêmement convaincant et sa relation avec Nomin-Erdene Ariunbyamba tout en subtilité et charme. Ce qui d’ailleurs lui a valu d’être récompensé comme meilleur acteur à la Mostra de Venise 2023, dans la compétition Orizzonti et meilleure révélation aux Asian Film Awards 2023.

Récit initiatique

Les films en forme de récit initiatique se construisent souvent autour d’un axe tradition/modernité et mettent en scène quelqu’un qui choisit sa voie vers l’âge adulte parmi les options qui lui sont offertes par les circonstances. Mais il est rare que ces tensions familières soient soulignées avec autant de grâce que ne le propose Purev-Ochir, cette jeune réalisatrice prometteuse, remplissant habilement son film de sentiments tendres, tout en traitant d’enjeux importants contemporains en laissant le champ libre au spectateur. Une belle réussite !