Peut-on parler d’un regard spécifiquement chrétien sur le cinéma ? Depuis que le cinéma existe, ou du moins depuis qu’il a marqué significativement de son empreinte la culture humaine, les chrétiens ont proposé des réponses théologiques ou une lecture théologique du cinéma. Au fil de l’histoire, différentes postures se sont dégagées, allant du rejet pur et simple jusqu’à une démarche d’appropriation, certains assumant même la possibilité d’une expérience spirituelle significative à travers le visionnage d’un film. Si peu de chrétiens aujourd’hui sont dans le rejet par principe, il arrive que des films, dont le sujet ou l’histoire sont considérés comme moralement répréhensibles ou théologiquement condamnables, soient boycottés, avec des pétitions à l’appui, au nom de « valeurs chrétiennes ». Et il n’est pas rare, parmi les protestants évangéliques, de voir se manifester une prudence voire une méfiance de principe à l’égard des films, sauf, évidemment, des films « chrétiens[1] ».

Or il me semble indispensable, en tant que chrétien, d’entrer en dialogue avec les films et les séries (il faut les mentionner, avec le développement exponentiel des plateformes de streaming : elles participent de la même démarche artistique), au nom d’un double impératif missiologique et théologique. Le cinéma et les séries sont en effet les incontournables de la culture populaire aujourd’hui (avec la musique et les jeux vidéo). Impossible donc de ne pas s’y intéresser, si nous voulons être en phase avec nos contemporains, et si nous sommes soucieux de vivre et transmettre l’Évangile de façon culturellement pertinente.

Un impératif théologique

L’impératif théologique d’un dialogue avec la culture en général, et du cinéma en particulier, repose d’abord sur une théologie de la création. Un théologien catholique parlerait ici du caractère sacramentel de la création, ce qu’on hésiterait sans doute à faire d’un point de vue protestant. Mais nous pourrions parler de révélation générale et de grâce commune. Il ne me paraît pas abusif de considérer l’art comme une expression de l’image de Dieu en l’homme, et par là même un vecteur possible de révélation du transcendant. On peut mentionner ici les généalogies de Genèse 4.17-22 qui […]