Ce mercredi 5 juillet, un peu plus d’un mois avant le 70 anniversaire de l’indépendance de l’Inde et du Pakistan les 14 et 15 août prochains, cet événement nous est raconté sur grand écran dans Le dernier vice-roi des Indes par la réalisatrice britannique d’origine indienne Gurinder Chadha. Le film avait avait été présenté, hors compétition, lors du Festival de Berlin cette année.

Mars 1947. Après 300 ans de domination anglaise, le Palais du Vice-Roi à Delhi ouvre ses portes une dernière fois pour accueillir en grande pompe Lord Mountbatten et sa famille. Petit-fils de la reine d’Angleterre et nommé dernier Vice-Roi des Indes, « Dickie » Mountbatten devra préparer le pays à l’indépendance. Mais la tâche s’avérera bien plus ardue que prévu. Après d’âpres négociations avec Nehru, Gandhi et Jinnah, perturbées par de violents conflits religieux, il n’aura d’autre choix que d’entériner la partition des Indes et la création d’un nouvel état, le Pakistan. Dans le même temps, Jeet et Aalia, deux jeunes indiens au service du Palais et que la religion oppose, subiront ces événements et auront à choisir entre leur amour et leur attachement à leurs communautés. La décision de Lord Mountbatten va provoquer l’un des plus grands déplacements de population de l’Histoire et ses conséquences se font encore ressentir aujourd’hui.

Disons-le tout de suite, Le dernier vice-roi des Indes est une magnifique épopée splendidement mise en scène avec des décors, costumes, musique et photo particulièrement soignés. On est dans du grand et beau cinéma, où l’écran devient une fenêtre qui s’ouvre sur le monde, sur l’histoire (ou du moins une vision de cette histoire), caresse nos émotions et nous donne ainsi de nous laisser porter comme sur un tapis volant pour s’évader et prendre du bon temps. La bonne tenue générale du casting, dans lequel on appréciera notamment de retrouver Gillian Anderson malheureusement trop souvent cantonnée à son rôle de l’agent Dana Scully et aux séries tv, apporte en plus un goût d’authenticité qui nous donne d’entrer plus aisément dans cette belle et néanmoins douloureuse histoire d’indépendance.

Car si le décor et les couleurs nous en mettent plein la vue, impossible d’oublier le fond et ce qui nous est conté. Récit à la fois heureux car la liberté offerte résonne forcément comme une victoire, mais aussi l’horreur du prix à payer avec les méfaits des intérêts politiques qui s’y mêlent et laissent sur le carreau tant et tant d’hommes, de femmes et d’enfants. Gurinder Chadha dresse un vif portrait de la peur, de la violence, de la terreur et de l’insécurité qui ont précipité la division d’une nation dont les habitants se battent entre eux avec la même ferveur dont il font preuve pour défendre leur droit à l’indépendance. La thèse poursuivie par le film défend Lord Mountbatten :« Beaucoup de textes ont montré qu’il était contre la partition quand il est arrivé, mais c’est devenu une marionnette des politiciens, des officiers », souligne la réalisatrice lors de la conférence de presse à Berlin. Le film prend alors bien sûr aussi une résonance particulière plus contemporaine encore, alors que la question communautaire et religieuse n’a jamais semblée aussi cruciale. Elle ajoute encore « J’ai réalisé combien il était important de raconter cette histoire. Quand je suis arrivé au Pakistan, dans le village de mes grands-parents, tout le monde m’a accueilli comme si j’étais dans mon pays ». Des grands-parents qui ont vécu la partition et perdu un enfant lors de l’exode forcé des membres des deux communautés – exode qui a fait au moins un million de morts. « Je voulais faire un film qui raconte les aspects politiques mais aussi les aspects humains, les drames qu’ont vécus les familles ».

Ces aspects humains sont justement aussi abordés là de façon intelligente en intégrant la petite histoire à la grande, mais comme cela est toujours le cas dans la vraie vie. Parallèlement à l’intrigue politique, des histoires individuelles se jouent… et là cette jolie romance qui se développe entre un policier hindou (Manish Dayal) et une musulmane (Huma Qureshi) apporte une forme de proximité dans la largeur du reste. Tous deux travaillent à la cour du Vice-roi, et imprègnent la narration d’un point de vue laïc sur la manière dont de grandes décisions peuvent bouleverser une vie.

Une fois encore, un grand et beau cinéma dont il fera bon profiter en ce début d’été !