À la différence de Marx, le salutisme entend répondre spirituellement au drame social provoqué par la Révolution industrielle. Mais avec quel message ? Avec quelle prédication « relever les plus dégradés » qui croupissent dans les « égouts de la civilisation »?

Un message évangélique de transformation personnelle 

A sa création, l’Armée du Salut a été fortement critiquée en raison de l’anti-intellectualisme affiché par son fondateur, de son rejet de toute réflexion théologique : pour le pasteur français Léon Pilatte, William Booth n’est-il pas l’homme aux « discours ignares et extravagants mais assaisonnés de gros sel évangélique »[1] ?

La théologie salutiste est pourtant une théologie protestante tout à fait classique : ses fondements théologiques sont ceux de la Réforme, « Dieu seul, l’Écriture seule, la Foi seule, la Grâce seule ». De manière plus précise, cette théologie est caractéristique des quatre critères qui, selon l’historien britannique David Bebbington, permettent de définir le protestantisme évangélique[2] : biblicisme (rôle central de la Bible, lue comme « Parole de Dieu » et considérée comme normative à la fois sur le plan théologique et pratique) ; crucicentrisme(la mort de Jésus-Christ pour les péchés du monde est un thème majeur de prédication) ; conversion (tout chrétien est appelé à se « convertir », c’est-à-dire à faire l’expérience d’un changement profond de vie, marqué entre autres par de nouvelles valeurs et une nouvelle ascèse) ; militantisme enfin (l’idée d’engagement est valorisée : la foi doit « se voir » et « faire envie » au cœur de la société).

Plus précisément, la théologie salutiste entend […]