Marseille, le 1er avril 1932. Un homme attend, sur le quai, l’arrivée du D’Artagnan, un navire des Messageries Maritimes en provenance de Shangaï. A son bord, 373 mennonites d’origine russe-allemande qui forment une soixantaine de familles, dénuées de tout. Il attend depuis son arrivée dans la ville, le soir précédent. Enfin, au matin, le navire accoste ; les manœuvres prennent un certain temps ; mais à peine la passerelle est-elle jetée qu’il se fraye un chemin parmi la cohue des passagers, des infirmières de la Croix Rouge, de l’équipage :

« Arrivé au milieu du groupe des fugitifs, je me sentis aussitôt en famille. C’étaient bien les frères en la foi que je m’attendais à trouver. »[1]

Pierre Sommer, délégué des Eglises mennonites françaises, vient accueillir sur le sol national un contingent de réfugiés mennonites en provenance de Kharbine – Mandchourie. Il leur apporte de l’argent (2000 francs de la part des frères suisses, 6300 francs de la part des frères français), un « ballot d’effets », et, aussi, ce qu’il peut de soutien moral.

Pris dans les grands mouvements migratoires de l’entre-deux guerres, ces réfugiés mennonites fuient l’URSS et la persécution qui s’est abattue sur les minorités ethniques et religieuses qui composaient la Russie impériale. Le récit de leur fuite est saisissant. Après un refus des autorités russes de les laisser émigrer (automne 1929), plusieurs milliers ont été déporté en Sibérie, le long du fleuve Amour, à la frontière chinoise. Bien que la […]