Veni Vidi Vici, nouveau film du talentueux réalisateur autrichien Daniel Hoesl, coréalisé avec Julia Niemann, est une vraie comédie noire qui raconte une histoire d’excès et de pouvoir méchamment mortelle !

La famille Maynard composée d’Amon (Laurence Rupp), de sa femme Viktoria (Ursina Lardi), de Paula, sa fille adolescente (Olivia Goschler), issue d’un précédent mariage, et de deux filles adoptées par le couple. Ils mènent une vie fastueuse et rêvée de milliardaires… en apparence. Amon a pour passion la chasse, mais ses proies favorites ne sont pas les animaux. Malgré des accusations de plus en plus nombreuses et précises, ce clan se pense totalement au-dessus des lois.

L’épigraphe d’ouverture est on ne peut plus interpellant et signifiant : « La question est de savoir qui m’arrêtera ». Cette citation, tirée du roman controversé La Source vive (qui avait été adapté au cinéma par King Vidor en 1949) de l’écrivain Ayn Rand, est le point de départ du scénario, et dès que les premières images commencent à défiler devant nos yeux, nous comprenons exactement de quoi il s’agit. Ayn Rand était la figure de proue d’une pensée néolibérale aux États-Unis. Ses romans mettent toujours en scène des personnages extrêmement égocentriques qui s’en tirent à bon compte. « Il est intéressant de noter qu’elle est morte dans la pauvreté, seule dans son appartement » rappelle Niemann dans une interview.

Drôle et cruel à la fois

La force du film repose en fait sur deux colonnes fondamentale, dont la première est tout bonnement le scénario intelligent et pointu. C’est drôle et cruel à la fois. Cependant, cet élément doit nécessairement fonctionner en harmonie avec l’autre. Un récit efficace exige des performances à la hauteur des enjeux qu’il met en avant. Heureusement, le film de Julia Niemann et David Hoesl bénéficie d’une distribution impeccable. La performance de Laurence Rupp, notamment, dans le rôle de Maynard est somptueusement équilibrée. Que dire d’Olivia Goschler, froide et quasiment indéchiffrable, ce qui, combiné à son étrange gentillesse, est purement effrayant mais tellement en adéquation avec son personnage. « L’éthique. Quelle perte de temps ! » s’écrira-t-elle – elle-même particulièrement sadique, soit dit en passant, un choix qui s’inscrit bien dans la thèse de Niemann et Hoesl – à propos du respect des règles. Dans cette perspective, le réalisateur sait faire vibrer notre corde sensible à plusieurs reprises, alors que nous voyons plusieurs personnes « normales » tenter de prendre à partie les jeux malsains de la famille en essayant d’avoir un impact concret. L’un d’entre eux, un journaliste nommé Volter (Dominik Warta), est tellement pris par les réalités écrasantes de l’argent qui accompagne le pouvoir, qu’il finit par en être lui-même prisonnier (et en dire plus serait évidemment gâcher le plaisir).gg

Il est intéressant aussi de percevoir la dissonance frappante entre la surface sereine, esthétique et en même temps réaliste de Veni Vidi Vici et la façon dont le film enfonce le clou en utilisant la critique sociale poussée à l’excès, comme on a déjà pu le voir dans des œuvres telles que Snowpiercer, Infinity Pool, The Square ou Sans filtre. L’efficacité du film dépend alors en partie du spectateur. Certains apprécieront le portrait sombre que dresse cette satire de classe. D’autres apprécieront la comédie noire d’un tueur en série qui opère si ouvertement qu’il ne demande qu’à être attrapé. D’autres encore ne supporteront tout simplement pas le cynisme glaçant du récit. Quoi qu’il en soit, le message du scénario de David Hoesl est clair : tous ceux qui ne sont pas au sommet de la société ne sont alors que des proies.