Une exposition exceptionnelle qui d’ailleurs enregistre une affluence record depuis son ouverture et oblige le Musée à revoir ses méthodes de réservation. Exceptionnelle car jamais depuis cinquante ans autant de toiles du maître n’avaient été réunies à Paris. Des œuvres fondamentales du peintre hollandais avec, notamment, quelques unes de plus célèbres comme « La dentellière », « La Lettre », « Le Géographe », « L’Astronome », « La joueuse de Luth » ou encore « La Laitière ». Intéressante également par le fait de ne pas les présenter seules mais intégrées avec de nombreuses autres de ses pairs, de ses rivaux, de ses collègues ou autres suiveurs.
Mais intéressons-nous à Vermeer plus particulièrement. Qu’il est frappant dans cette exposition d’observer cette puissance lumineuse que le peintre manifeste, utilise, comme « jouant avec » pour donner à son travail une dimension à la fois humaine et quasi-spirituelle touchant au génie. Bien avant que la photographie ne soit inventée, le maître de Delft développe une « esthétique photographique » et s’inscrit dans une culture du portrait. Pour lui, c’est la réalité illuminée qui l’intéresse. Et pour obtenir cette apparence de vérité, ce peintre a choisi d’effacer sa touche et ainsi d’apporter une netteté, une méticulosité, à l’inverse, par exemple, d’un Rembrandt qui cherche lui à rendre visible le tracé de son pinceau et à créer des effets d’empâtements que l’on ne peut d’ailleurs évidemment pas reproduire dans une photographie.
Une réalité, dans laquelle Vermeer travaille avec intelligence à diriger notre regard. « Tout est construit, pensé, composé », constatait Jan Blanc, professeur et spécialiste de l’art flamand et hollandais du XVIIe siècle. Généralement, choisissant des décors minimalistes, chaque objet dispose alors d’une place particulière. Vermeer fait poser ses modèles en fonction d’une construction bien pensée, à la manière d’un photographe.
Faire un parallèle avec la photographie dans l’œuvre de Vermeer tient évidemment aussi à cette puissance lumineuse que j’évoquais précédemment. Surnommé à juste titre le « maître de la lumière hollandaise », il est un artiste qui peint « avec » la lumière. Et la encore, cette utilisation lui permet de conduire notre façon de regarder ses toiles. L’angle de vue choisi, en quelque sorte, est induit par l’artiste lui-même. Un célèbre photographe observait à ce propos que « Vermeer applique des points lumineux qui lui permettent de focaliser l’attention du spectateur sur un endroit précis du tableau. La fenêtre (source de lumière qui provient toujours de la gauche) par exemple lui permet de rythmer l’espace et d’unifier la composition de son œuvre. »
Dans cette maîtrise absolue de la lumière se révèlent non seulement le visible mais surtout également l’invisible. L’essentiel n’est-il pas précisément invisible à nos yeux. Et bien avant St Exupéry, Vermeer le manifeste au lieu de l’écrire. Cet art de révéler la vie secrète, cachée dans les petites choses, et que sa lumière vient révéler à ceux qui ont des yeux, mais aussi du cœur et de la patience pour y parvenir. Car ses œuvres nous invitent au recueillement, à arrêter le temps pour admirer et se laisser toucher.
Oui, je le crois… tant métaphoriquement que bien concrètement : Il y a du divin chez Vermeer !
Tel un astre magnétique, la peinture de Vermeer happe le visiteur par sa lumière irradiante, ses sujets concentrés et ce temps merveilleusement suspendu qui métamorphose la banalité d’un intérieur en thébaïde méditative.